Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/152

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s’établir, sans lequel les lois ne peuvent que servir de jouet aux hommes chargés de les faire respecter ; c’est que le dernier des citoyens a le droit d’attaquer tous les agents du pouvoir, dont la conduite est illégale, équivoque ou suspecte, le droit de les dénoncer, de dévoiler leurs malversations, leurs menées, leurs projets ; c’est qu’il ne doit jamais être comptable qu’au tribunal du public, dont il mérite la reconnaissance, si sa dénonciation est dictée par le désir de servir la patrie, et dont il encourt l’indignation, si elle est dictée par la malignité ; tandis que les accusés, toujours tenus de se justifier d’accusations graves, doivent être poursuivis par le tribunal d’État, s’ils ont réellement malversé. Sans cela tout dénonciateur étant sûr d’être sacrifié, les citoyens laisseraient tranquillement consommer la ruine de l’État, plutôt que de compromettre leur repos, leur liberté, leur vie ; et les agents du pouvoir, toujours sûrs d’échapper, ne songeraient plus qu’à renverser la constitution pour asservir le peuple, se couvrir de ses dépouilles, et se gorger de son sang ; mais nous sommes trop bornés pour sentir la justesse de ce principe. Revenons à nos sots préjugés, et observons que lors même que tout citoyen n’aurait pas le droit de s’occuper des affaires publiques, et de surveiller les agents de l’auto-

    variquer, de trahir ; comme s’il ne suffisait pas, pour le déclarer coupable, de s’assurer que ces ordres ont dû émaner de lui, et n’ont pu s’exécuter sans lui ; comme s’il ne suffisait pas de connaître ses vues et ses relations avec les malversateurs subalternes ; comme s’il ne suffisait pas le plus souvent de la marche générale des affaires publiques, pour les traiter en criminels ; enfin, comme si ces agents tiraient reconnaissance des attentats qu’ils ont commis ! Ce qui me confond, c’est que les maximes que je voudrais faire adopter contre les délinquants publics sont suivies parmi nous contre les délinquants privés ; car de quelque crime que le procureur du roi accuse un citoyen, tant que l’accusation n’est pas dictée par la malignité, il est irrecherchable. Pourquoi donc ne consacrerions-nous pas pour le salut de l’État des maximes que nous avons consacrées pour le repos des familles ? (Note de Marat)