Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/166

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glorieuse expédition. Pour faire ma capture, on choisit ceux qui avaient fait preuve de bonne volonté ; tels furent ceux de Saint-Roch, de Saint-Honoré, des Barnabites, etc., dont presque tous les officiers sont des marchands et ouvriers de luxe, c’est-à-dire des hommes désespérés de la révolution, des hommes qui regrettent le règne des courtisans dissipateurs et des prélats prodigues, des hommes qui ne connaissent d’autre bonheur dans la vie que d’écorcher les opulents du siècle. À la tête de cette brave troupe figurait le sieur Carles, naguère orfèvre, bijoutier, agioteur, aujourd’hui faiseur d’affaires et commandant de bataillon. Ainsi le 22 septembre[1] les gardes parisiens eurent l’honneur de servir de souteneurs d’huissiers au Châtelet ; tandis que deux aides-de-camp du général, leur servant de galopins, couronnaient le cortège.

Sur les neuf heures les huissiers se présentèrent au corps-de-garde du bataillon des Cordeliers, l’indigne décret à la main[2] : il était daté du 8 octobre. Les commissaires gardiens de la liberté l’ayant trouvé contraire aux nouvelles lois, sanctionnées, ils en suspendirent l’effet durant huit heures, se référant à la décision de l’assemblée nationale. Les huissiers crurent ne pouvoir passer outre, sans avoir pris les ordres du Châtelet.

Le sieur Carles, requis de protéger leur retraite, manifesta un mécontentement extrême, et déclara que si les huissiers s’en allaient, il ne s’en irait pas, lui ; puis il les apostropha en ces mots : Je suis bien fâché qu’on vous ait chargé des décrets, il fallait ne pas s’en charger ; vous

  1. Lapsus de Marat. Il faut lire 22 janvier.
  2. Copie du décret : « Vous, le premier huissier ou sergent royal sur ce requis, à la requête du procureur du roi, demandeur et accusateur, prenez et appréhendez au corps quelque part que vous pourrez trouver le sieur Marat, et le constituez prisonnier, ès prisons du Châtelet, pour être à droit, ouï et interrogé sur les charges et informations contre lui faites le 8 octobre 1789. Signé : Thory. » (Note de Marat)