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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/169

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de périr. Je leur pardonne l’aisance de leurs manières, si du moins ils ont respecté les pièces qui feront un jour preuve de conviction, de l’infidélité et des complots du ministre adoré.

Tout était prévu. Au cas que l’on me manquât, mes ennemis avaient arrêté que l’on m’ôterait les moyens d’écrire : on parlait de m’enlever mes presses ; sur les représentations de mes chargés d’affaires, on se contenta de poser des scellés sur mon imprimerie. On les posa aussi sur toutes les armoires de mon bureau, où se trouvaient les collections de ma feuille, de cet écrit si redouté, et dont le but était de dévoiler les projets des traîtres à la patrie.

Ne pouvant concevoir que je n’eusse que deux presses en activité, on imagina que celles de MM. Brune et de Savy m’étaient consacrées. À onze heures[1] des grenadiers en firent ouvrir les portes par un serrurier, rompirent les formes, dispersèrent le caractère, mirent tout en pièces : puis, fiers de leur expédition, ils sortirent en triomphe, portant chacun une chandelle allumée au bout de leur fusil. Jamais chenapans en débauche ne se comportèrent plus scandaleusement. De ces violences au brigandage, il n’y a qu’un pas : et ce sont des citoyens armés contre l’oppression qui en devinrent les instruments de gaîté de cœur ! La seule excuse qu’ils puissent alléguer, c’est qu’ils étaient soûls ; car s’ils avaient été de sang-froid, il faudrait convenir que ces prétendus soldats de la patrie n’étaient que des goujats en maraude, indignes de combattre pour la cause publique.

  1. Notez que cette expédition nocturne fut faite à la suite d’un règlement du maire, portant qu’il ne serait permis de faire aucune visite de nuit chez les femmes publiques, afin de ne point porter atteinte à la liberté des citoyens. La bonne âme que celle du sieur Bailly ! quoi qu’en disent les médisants, qui croient que cette ordonnance de police ne tend qu’à mettre à couvert les escrocs et les chenapans qui se retirent la nuit chez les filles, et dont il a besoin. (Note de Marat)