Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/170

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Commissaires, huissiers et gardes restèrent chez moi jusqu’à minuit. En se retirant, ils y installèrent un gardien ; telle est la bizarrerie des événements de la vie, que le lit de l’Ami du Peuple servit à un espion de police. Presque toute la troupe avait été jusqu’alors sous les armes ; elle se retira, à l’exception d’un détachement de trois cents hommes, qui alla se poster près de la Comédie, où l’on me croyait réfugié ; ils n’y restèrent que quelques heures. Ainsi finit cette honteuse expédition[1]. Elle eût déshonoré un gouvernement despotique ; elle a signalé l’aurore du prétendu règne de la liberté ; et ce sont les mandataires de la couronne, les gardiens des lois, les défenseurs du peuple, qui l’ont ordonnée. Pouvoir irrésistible des vanités mondaines ! seras-tu toujours l’écueil de la sagesse et de la justice ?

Voilà l’exposé fidèle et rapide des faits. Je laisserais ici tomber le voile, s’il n’importait à la cause de la liberté de développer les moyens mis en usage pour enlever à la patrie ses défenseurs, s’il n’importait d’exposer au grand jour ces mystères d’iniquité.

Les coups d’autorité des agents du pouvoir ministériel, municipal et judiciaire, contre la liberté de ma plume et la sûreté de ma personne, colorés du faux prétexte de maintenir les lois, et d’appuyer leur exécution, n’étaient que la suite de deux décrets révoltants, dont l’un a été décerné le 6 octobre, à la requête du sieur de Joly ; l’autre, le 8 octobre, à la requête du sieur de Brunville.

Le décret à la requête du sieur de Joly avait pour objet une méprise innocente, faite sur la foi d’un opprimé qui réclamait amèrement contre un délit très grave, commis

  1. On prétend qu’elle a coûté plus de 500 000 livres au trésor public ; car il a fallu acheter les chefs des comités de la plupart des districts, les chefs de la ville, de la garde bourgeoise, et tous ceux qui pouvaient s’y opposer. Aveugles citoyens ! voilà l’emploi d’une partie de vos dons patriotiques. (Note de Marat)