Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/179

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enchaîner la nation par les mains de la milice nationale, vous le verrez appeler contre le peuple les troupes réglées, et renouveler avec plus d’adresse les préparatifs menaçants du premier juillet.

Je le dis en frémissant ; tant que cet homme sera au timon des affaires, tant qu’il sera l’âme du cabinet, tant qu’il pourra se procurer de l’argent, il n’y aura point de terme à nos maux, point de terme aux conspirations ; de nouveaux pièges pour opprimer le peuple se succéderont sans cesse ; sans cesse se succéderont de nouveaux projets pour épuiser le peuple, remplir le trésor, tenir sur pied une armée formidable ; corrompre le législateur, les administrateurs municipaux, les chefs des districts ; soudoyer Tes légions innombrables des courtisans, des pensionnaires royaux, des satellites du gouvernement, des suppôts de l’autorité ; faire face aux événements, reculer la catastrophe, et rester en place.

La censure publique, un tribunal d’État, et un tribun du peuple, un dictateur momentané, pouvaient seuls terminer nos malheurs, nous délivrer des ennemis de la patrie, établir la liberté et cimenter la félicité publique ; au défaut de ces institutions salutaires, les milices nationales semblaient nous offrir un rempart assuré contre l’oppression ; mais, hélas ! à en juger par la garde parisienne, qu’avons-nous à espérer ? Les forces de l’État sont tournées contre ses enfants. Je l’ai déjà observé, l’uniforme et l’organisation de la garde nationale ont étouffé la liberté dans son berceau ; elle triomphait pour toujours, si, après le 14 juillet, on avait armé indistinctement tous les citoyens domiciliés, si on les avait disciplinés, s’ils avaient pris la cocarde pour seule marque distinctive. Dans les jours de péril, on voyait les riches confondus avec les pauvres, courir aux armes pour leur commune défense ; la peur étouffait dans leur âme tout autre sentiment ; mais aussitôt qu’ils commencèrent à respirer, les petites passions se firent entendre, la sotte vanité fut seule écoutée, l’opulence