Aller au contenu

Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ferte si longtemps, il serait affreux qu’il vînt à perdre le fruit de tant de sacrifices, par l’astuce des hommes qui tiennent les rênes de l’État. Ils ne cessent de redemander le pouvoir exécutif, pour resserrer les liens de l’autorité, comme si c’était quelques mois de plus de relâchement, de souffrances, de misères, qui doivent empêcher la nation d’aller, avec sagesse, à son but. Le plus grand malheur qui puisse lui arriver, est de voir réduire en fumée les préparatifs de la régénération de l’empire, de voir les anciens ressorts du gouvernement se remonter. Et s’il est vrai qu’il y a de la folie à prétendre que le cabinet soit composé d’amis de la patrie, qui joignent les vertus aux talents ; ce qui peut lui arriver de plus heureux jusqu’à ce que la liberté publique soit assurée, c’est d’avoir à la tête du ministère des hommes sans fermeté, sans tenue, sans vues, sans capacité, des hommes incapables d’empêcher la machine politique de s’organiser de la manière la plus propre à faire triompher la justice, à ramener l’abondance[1] et à cimenter le bonheur commun.

  1. On parle de remplacer M. Necker par M. Clavière, autre agioteur genevois, dont quelques charlatans intéressés ne cessent de prôner les talents, mais qu’il importe souverainement d’écarter du timon des affaires : il commencerait par nous fasciner de quelque nouveau projet, et finirait par épuiser nos dernières ressources. Je le répète, ce n’est qu’en tranchant dans le vif, en réduisant l’armée de moitié, en supprimant toutes les pensions accordées aux hommes qui ont de la fortune, en réformant toutes dépenses superflues dans chaque département de l’administration, et en simplifiant la gestion des deniers publics, que l’État peut revenir au-dessus de ses affaires. On dit que les sources de l’abondance sont taries : je n’en crois rien ; faites voir au peuple que vous voulez sincèrement son bien et il s’empressera de venir à votre secours. (Note de Marat)