Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/189

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l’observateur qui connaît les ressorts de la politique, le jeu des passions humaines, les rubriques des agents de l’autorité.

Dès lors, des zélés citoyens m’ont fourni des preuves juridiques, à l’appui de mes inculpations. Ces preuves sont développées dans différentes lettres authentiques, qui se trouvent sous les scellés de mon appartement : elles sont de nature à dessiller enfin les yeux d’un peuple abusé. Je sens tout le poids qu’elles donneraient à cet écrit : mais le temps presse ; et si je me détermine à le mettre au jour, c’est que plusieurs faits notoires peuvent les suppléer, c’est que nos maux sont à leur comble, c’est qu’on ne peut trop se hâter d’y apporter remède en proscrivant leur auteur.

De tout temps parmi nous, des ministres, de grands seigneurs, des chefs de la magistrature, des employés et d’adroits fripons, ont exercé d’affreux monopoles : brigandages publics, auxquels se trouvent presque toujours intéressés des valets et des catins de la cour.

Dans le nombre des manuscrits trouvés à la Bastille, il en est un qui rapporte certain pacte de famine générale, dénoncé au Roi par le nommé Prévost, que le sieur de Sartine fit renfermer après lui en avoir arraché les copies. Voici les principales clauses de ce pacte exécrable : « Le 12 juillet 1765, M. de Laverdy, donnant à bail pour douze années consécutives le royaume de France à trois publicains, qui prenant la qualité d’intéressés dans les affaires du Roi, les autorise d’en enlever tous les grains qu’ils pourront amasser, et de les faire exporter où il leur conviendra. La caisse générale rendra ses comptes chaque année, au mois de novembre, et pour que le ciel verse ses bénédictions sur l’entreprise les intéressés offrent à Dieu vingt-cinq louis, qui seront donnés aux pauvres[1]. »

  1. On trouvera le texte complet du fameux pacte de famine, et