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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/194

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provisionnement de Paris, enlevant tous les grains du Soissonnais, en mai et juin 1789, et les faisant passer à Rouen, où ils sont devenus invisibles. On y voit ce même accapareur, qui s’était rendu de nouveau dans le Soissonnais, avec une mission non signée de M. Necker, prendre la fuite crainte d’être accroché.

On y voit les Leleu exporter en tonneaux une immense quantité de blés, user d’artifice pour détourner les meuniers Grassin et Calle de faire leurs provisions à Provins, et prendre le temps où ils les amusaient, pour faire vider les halles de cette ville.

On y voit la compagnie Leleu, au mépris de ses engagements, n’avoir, en septembre 1788, pas un grain de blé dans ses magasins, en accaparer en trois mois 32 000 sacs, qu’elle avait enlevés de tous côtés au nom du Roi[1], et faire hausser considérablement le prix du pain.

On y voit les Leleu d’Amiens, les Jourdain, les de la Loge, et les autres correspondants de la compagnie de Corbeil, retenir en rade dans la Manche, trois ou quatre mois, plusieurs navires chargés de blés[2] ; quoique la province en manquât elle-même, et que le pain s’y vendît 6 à s. la livre.

Enfin on y voit les Leleu accusant eux-mêmes M. Necker d’être le grand accapareur, l’unique auteur de la disette.

L’indiscrétion avait laissé échapper ce fatal aveu, et bientôt il fut confirmé par mille preuves invincibles ; je me borne à celles que j’ai maintenant sous la main.

Depuis la révolution, les accapareurs ministériels, qui parcouraient les provinces, avaient besoin de l’appui des municipalités. Presque toutes composées de leurs anciens

  1. C’est précisément l’époque où les marchands de grains ne purent faire leurs achats, par la suspension du paiement des rescriptions. (Note de Marat)
  2. Ce sont vraisemblablement les blés exportés par la compagnie elle-même, qu’elle trouvait moyen, par ce petit manège, de vendre comme blés étrangers. (Note de Marat)