Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/212

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côté de nos capitaux dénaturés, car si les receveurs des deniers publics refusent les billets de caisse, comment le boulanger et le boucher s’en chargeront-ils ? Ainsi les Français pris par leur bourse et leur estomac, seront tenus par les deux plus forts liens qui puissent enchaîner les hommes.

Jusqu’ici les vampires fiscaux avaient cherché à couvrir leurs concussions d’un simulacre de justice : mais il était réservé à l’agioteur insigne, à l’accapareur général, de fouler aux pieds, scrupules, pudeur, remords, pour dépouiller les citoyens et arracher aux infortunés leur dernière ressource, afin d’alimenter le faste de la cour, fournir aux prodigalités des proscrits, payer les plaisirs des hommes en place qui l’appuient, et gorger les sangsues de l’État qui secondent ses projets.

N’en doutons pas ; remettre la Nation aux fers, et régner sur elle sous le nom du monarque, fut toujours le but du ministre adoré : mais le moyen d’y parvenir sans argent ! Aussi la seule chose qui l’ait crucifié au milieu des calamités publiques était l’épuisement du trésor. L’inconduite du cabinet, le discrédit des effets royaux, la peur d’une banqueroute, et la diminution des revenus ne lui laissaient entrevoir aucun moyen de faire face aux événements, et il ne cessait de solliciter l’Assemblée nationale de rendre au Prince le pouvoir de forcer la perception des impôts, et de lui présenter des plans pour égaler la recette à la dépense. Désespéré de voir repousser ses spéculations désastreuses, malgré le vernis séducteur dont elles étaient couvertes, malgré les tentatives du comité des finances pour les faire adopter, malgré les efforts du fidèle Dupont[1], malgré les éloges éternels des folliculaires à gages ; alarmé de la résolution prise[2] d’éclairer toutes les parties de son

  1. Il s’agit du député de Nemours à la Constituante, qui avait appuyé le plan de Necker sur la Caisse d’escompte.
  2. Voyez la motion de M. Freteau, du [2] octobre. (Note de Marat)