Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/233

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dénoncés aucune charge de nature à constituer un crime de lèse-nation, que voulez-vous que la nation pense de la judiciaire de ses représentants ? Qu’au lieu de s’en rapporter à un tribunal plus que suspect, le public juge par lui-même, et que, loin de voir deux ennemis de la nation dans Marat et Desmoulins, il les reconnaisse pour ses plus zélés défenseurs ; que prétendez-vous que la nation pense du patriotisme de ses représentants ? Enfin, je suppose qu’au lieu d’absoudre les accusés, le Châtelet, saisi du même esprit de vertige que l’Assemblée nationale, les ait fait jeter dans des cachots, en attendant qu’elle leur fasse expier par un supplice infamant les crimes de leurs persécuteurs, quelle matière à d’éternels regrets ! Quand on pense aux dispositions anti-patriotiques de ces juges iniques, aux prévarications dont ils se sont rendus coupables dans toutes les causes qui regardaient la liberté publique, comment l’Assemblée nationale ne frémit-elle pas d’horreur, d’avoir tenu sous le glaive des bourreaux deux citoyens irréprochables, parce qu’ils sont trop chauds patriotes.

Suivons maintenant les dispositions et les conséquences de son alarmant décret.

Je ne relèverai pas ici le ridicule d’avoir fait un crime de lèse-nation du colportage des écrits nommés inflammatoires ; ridicule si choquant que les colporteurs eux-mêmes se sont amusés de la sagesse de nos législateurs.

Je ne dirai rien non plus de l’absurdité de rendre responsables et imprimeurs et publicateurs d’un écrit dont l’auteur se nomme, surtout lorsque l’auteur est un homme connu : car les rendre responsables de l’écrit, c’est les rendre arbitres des sentiments et des opinions de l’auteur ; or dès cet instant, la liberté de la presse est anéantie pour toujours.

Mais je demande si ce n’est pas le comble de la stupidité d’ériger en crimes de lèse-nation les conseils donnés au peuple de veiller à son salut, d’ôter aux méchants les moyens de l’affamer, de le ruiner, de l’asservir et de l’en-