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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/242

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soudre les États, et de fouiller dans nos poches sans leur permission, il avait fait bloquer la capitale ; une nombreuse armée menaçait les Parisiens, prête à les écraser, s’ils faisaient résistance. Leur insurrection soudaine déconcerta ces barbares projets, en rompant les fers de la nation. Bientôt la ruse succéda à la violence ; et pour la première fois depuis deux siècles, le langage soumis de la crainte vint se placer sur les lèvres du despote. Au ton menaçant de la séance royale du 23 juin succéda l’humble supplique de la scène d’abandon du 16 juillet : l’effroi glaçait encore les ennemis de l’État, les trois ordres se réunirent sans distinction ; la noblesse et le clergé semblaient aller au-devant des vœux du peuple, et le monarque tremblant consentit à tout. Cependant les ministres perfides tramaient de nouveaux complots.

On allait enfin travailler au grand œuvre de la constitution. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen devait en faire la base. Revenus de leurs transes, les ordres privilégiés, poussés par le cabinet, s’efforçaient de tirer en longueur : tandis que, pour distraire le peuple, le cabinet lui-même ne l’occupait que de la crainte de périr de faim. L’accaparement général des grains, qui avait rendu le ministre adoré maître de l’estomac de tous les Français, lui fournissait encore un moyen de remplir journellement le trésor public, de soulever le peuple à force de vexations, et de faire rendre au prince le commandement des troupes, sous prétexte d’apaiser les mouvements populaires. Depuis le premier jour il s’était fait un appui des courtisans, il cherchait à corrompre les fidèles représentants de la nation, et il s’était assuré des mandataires de la commune parisienne. Déjà il avait gagné les administrateurs municipaux et leur chef, qui n’étaient plus occupés qu’à conniver avec lui, à seconder ses agents, à les mettre à couvert de la fureur du peuple, à leur assurer l’impunité, et à punir les bons citoyens qui travaillaient à dévoiler ces mystères d’iniquité, ou qui s’opposaient à ces vexations. Déjà il