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À l’auteur,
Du 31 août 1790.

J’étais assis hier soir aux Tuileries, fort proche de deux nouvellistes qui s’entretenaient des menées atroces des officiers de la garnison de Nancy, de l’affreuse démence du comité militaire, de l’aveugle fureur de l’assemblée nationale ; et j’entendis très distinctement l’un d’eux qui disait : « Mon ami ! La fusée est prête à se dévider ; vous entendrez dire sous quinze jours que Necker et La Tour-du-Pin, ces deux coquins fieffés, ont pris la fuite pour aller à Metz, où Bouillé les attend. — Cela est-il croyable ? — Oh ! très croyable, et je puis vous dire entre nous que je tiens cette nouvelle du général. » Un groupe, qui se formait à quelques pas, attira mes nouvellistes, et je restai sur ma chaise à réfléchir tristement sur notre cruelle position. Je me rappellerai avec douleur qu’il y a longtemps que vous nous annoncez cet événement comme inévitable, de même que la fugue de la famille royale. Je le sens trop, monsieur, nos ministres nous échapperont : l’orage terrible qui se prépare en Lorraine doit amener leur chute nécessairement mais je ne saurais me figurer que le général, futé et dissimulé comme il l’est, ait pu faire cette confidence et commettre une pareille indiscrétion : car il n’ignore pas qu’il nous répondrait sur sa tête et de la fuite de la famille royale et de celle des ministres. Dieu le préserve de nous trahir, la garde nationale peut bien sommeiller encore quelques moments, quoique une très grande partie ait déjà commencé à se réveiller. Mais à l’instant où elle ouvrira les yeux, c’en est fait de lui, à moins qu’il n’eût déjà cherché son salut dans la fuite.

Quoi qu’il en soit, le ton affirmatif avec lequel cette nouvelle fut donnée m’imposa l’obligation de vous la faire passer : je croirais mériter de sanglants reproches si j’avais