Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/300

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fit le triste rôle d’écho : se traînant de fort loin sur les traces des grands hommes, qui, bien ou mal, ont endoctriné le monde, elle ne s’attacha même à leur char qu’après être lasse de les persécuter. Voilà donc ces oracles qu’on voudrait nous faire révérer. Ils peuvent abuser le stupide vulgaire : mais quelle confiance pourraient-ils inspirer à l’homme qui réfléchit ? Au demeurant, pour cultiver les sciences avec succès, il faut un grain de philosophie, jamais il n’y en eut moins dans vos têtes académiques. Pour elles, la chimie, l’astronomie, la physique, ne sont qu’un tissu d’illusions, de merveilleux, de prodiges. On y voit le feu à la glace, l’eau changée en air et devenue le plus admirable des combustibles ; les couleurs produites par un nombre infini de rayons colorés et néanmoins insuffisant pour former toutes les teintes connues ; le cours des astres s’altérant à la longue, et ayant besoin d’être réformé, comme si un ouvrier maladroit eût construit le monde, ou qu’il fût conduit par l’aveugle destin.

Encore si ces Messieurs se contentaient de rêver ! mais malheureusement ils veulent agir ; et vous avez là un bel échantillon de leur savoir-faire. Il tenait à la main le Journal de Paris où l’on rend compte de la malheureuse catastrophe arrivée à Essone[1]. Vraiment, ajouta-t-il, nous avions grand besoin que ces bienfaiteurs de l’humanité s’étudiassent à renchérir sur la poudre à canon ! Comment leur cœur compatissant a-t-il pu en former l’idée ? Comment leurs mains innocentes ont-elles pu se prêter à ce cruel ministère ? Mais que dis-je ? La voix de la nature avait beau retentir à leurs oreilles : hypocrites sans pudeur, ils multipliaient leurs funestes essais, tout en déclamant contre cette invention meurtrière. Ce qui me confond, c’est qu’ils trouvent toujours quelque bas valet pour donner le change au public, et tourner à leur gloire jusqu’à leur ineptie ; écoutez le journaliste vanter leur courage héroïque, et

  1. Essonnes (Seine-et-Oise).