Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/87

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Comme il est à l’avantage réciproque des parties contractantes, rien ne peut s’opposer à son exécution, que les conseils perfides des traîtres à la Patrie qui assiègent le Trône. En effet, diront-ils, c’est enlever au Monarque ses prérogatives que de transférer au Conseil national le pouvoir suprême, le droit de faire les lois, de contrôler l’administration, de surveiller les Ministres, de gêner[1] la gloire des conquêtes : et quel sera le prix de tant de sacrifices ?

  1. « Si la guerre est le plus cruel des fléaux, c’est un malheur affreux pour une Nation d’avoir à sa tête un Prince ambitieux, dévoré de la soif des conquêtes, et maître de disposer à son gré du trésor et des armées. »

    « Un conquérant ne fait pas moins la guerre à son peuple qu’à ses ennemis : ses lauriers, toujours arrosés du sang de ses sujets égorgés, le sont encore des larmes de ses sujets épuisés de misère ; et quel que soit le sort des armes, la condition des vainqueurs n’est guère meilleure que celle des vaincus. J’ai battu les Romains, écrivait Annibal aux Carthaginois, envoyez-moi des troupes ; j’ai mis l’Italie à contribution, envoyez-moi de l’argent : voilà l’éternel refrain des généraux victorieux. Après cela, que pensez-vous de la stupide allégresse que les peuples font éclater à la nouvelle des triomphes de leurs maîtres ? »

    « Indépendamment de la surcharge des impôts que la guerre nécessite, de la suppression du commerce et de l’épuisement des finances qu’elle entraîne, de la dépopulation qu’elle cause, de la multitude innombrable d’infortunés qu’elle livre à l’indigence ; elle est toujours fatale à la liberté publique. »

    « D’abord elle distrait les citoyens, dont l’attention se porte des affaires du dedans aux affaires du dehors ; et le Gouvernement n’étant plus surveillé, fait bientôt circuler ses projets. »

    « Ensuite, elle donne au Prince les moyens d’affaiblir des sujets indociles, et de se défaire des sujets remuants. Comme il aime mieux commander à un peuple pauvre et soumis, que de régner sur un peuple florissant et libre, le degré de puissance qu’il a en vue ne se mesure pas toujours sur des succès ; quelquefois il lui est utile d’essuyer des revers, et en politique habile, il sait tirer parti de ses propres défaites. Jaloux de commander pour s’enrichir, et de s’enrichir pour commander, il sacrifie tour à tour l’un et l’autre de ces avantages à celui des deux qui lui manque ; mais c’est afin de parvenir à les réunir un jour, qu’il les poursuit sépa-