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Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/88

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Comment ? ce serait enlever au Monarque ses prérogatives, que de ne lui pas attribuer un pouvoir qui ne lui fut jamais confié ! Ce serait lui enlever ses prérogatives, que de ne pas lui laisser les moyens d’abuser de l’autorité, d’être injuste quand il lui plaît, et de faire mourir ses sujets de faim, pour grossir son trésor, gorger ses favoris, et fournir aux déprédations de ses Ministres ! Ce serait lui enlever ses prérogatives, que de rendre les guerres plus rares, et de réprimer la fureur des conquêtes, cette rage meurtrière, dont tant de Rois tirent leur gloire et leur bonheur ! Ce serait lui enlever ses prérogatives, que de le mettre dans l’heureuse impuissance de souiller son règne d’exactions, de rapines, de violences, de sang, de meurtres, de carnage ; en un mot, de le mettre dans l’heureuse nécessité d’être sage, juste, bon… Et l’on demande quel sera le prix de tant de sacrifices !

Mais, demanderai-je à mon tour à ces lâches ennemis de la Patrie, n’est-ce pas se rendre coupable du crime de lèse-majesté, que de mettre le Prince à la place de l’État ? et n’est-ce pas attenter à l’honneur du Prince lui-même, que de le représenter comme un insensé qui préfère le plaisir de commander à des esclaves, au bonheur de ré-

    rément ; car, pour devenir le maître de tout, il faut avoir à la fois et l’or et l’empire.

    « Enfin, la guerre et le despotisme s’entr’aident mutuellement : on prend à discrétion, chez un peuple d’esclaves, de l’argent et des hommes, pour en asservir d’autres : la guerre, à son tour, fournit un prétexte aux exactions pécuniaires, et au désir d’avoir toujours sur pied de grandes armées, pour tenir le peuple en respect.

    « Ainsi il est plus important au bonheur des Nations qu’on ne le pense, de ne laisser au Gouvernement la liberté de faire la guerre, que dans les cas où elle est purement défensive. »

    Ce tableau est tiré d’un ouvrage anglais, intitulé Les Chaînes de l’Esclavage, ouvrage également remarquable par son énergie et par sa profondeur. On dit qu’une société patriotique s’occupe actuellement du soin de le faire traduire, pour mettre la Nation en état de profiter des grandes leçons qu’il contient. (Note de Marat)