Page:Marat - Les Pamphlets, 1911, éd. Vellay.djvu/89

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gner sur des hommes libres ; comme un tyran odieux qui regrette de ne pouvoir, à son gré, livrer ses peuples à l’oppression, au pillage, à la famine, aux horreurs de la guerre, et comme un monstre furieux qui s’afflige de n’avoir personne à massacrer ?

Ainsi, le seul sacrifice que la Nation demande au Monarque, est de renoncer à des droits qu’il n’a point, et qu’il ne peut avoir.

Ce nouvel ordre de choses ne diminuera donc en rien les prérogatives de la Couronne, et, en cimentant la félicité publique, il assurera pour toujours l’autorité, le repos, et le bonheur du Roi.

Trop souvent un Prince ambitieux s’indigne à l’idée de renoncer au pouvoir arbitraire, semblable à un pilote insensé qui aimerait mieux flotter entre des écueils durant la tempête, que d’assujettir son vaisseau par des ancres. Pour augmenter sa puissance et ses revenus, il continue donc à employer les ressources trompeuses qui l’égarent depuis si longtemps, et il a enfin recours à des moyens qui le perdent à jamais ; car il est un excès d’inconduite et d’oppression qui réduit les sujets au désespoir, pousse les peuples à la révolte, renverse le trône, et livre l’État sans défense aux entreprises des ennemis. Combien d’infortunés Monarques ont regretté trop tard, dans leur exil ou leur prison, d’avoir tout sacrifié à cet état d’indépendance absolue qui les soustrait à l’empire des lois, pour les soumettre aux caprices de la fortune[1] ! Ce sont ces malheurs que les limites données à la puissance royale peuvent seules prévenir. Ainsi, tout Prince qui consulte ses véritables intérêts, doit être prêt à souscrire aux sages précautions qui empêchent l’autorité de dégénérer en tyrannie, faibles sacrifices qui ne supposent qu’un peu de raison

  1. Tarquin, Arminius, Marobodius, Catnalda, Vannius, Italus, Childéric, père de Clovis, Childéric l’Insensé, Charles Ier et Jacques II en ont été de tristes exemples. (Note de Marat)