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le charme de l’histoire

reine d’Écosse ; mais l’histoire n’a pas plus le droit d’être injuste envers le cardinal Dubois, sur la foi des ducs et pairs, qu’envers Marie Stuart sur la foi d’Élisabeth. Le fardeau de la réputation que porte devant la postérité le précepteur du régent reste assez lourd ; n’y ajoutons pas, puisqu’il n’est pas justifié, le reproche d’avoir, dans ses négociations avec l’Angleterre, acheté par une humiliation pour la France l’honneur de jouer dans la politique de son pays un rôle auquel ses adversaires jugeaient que sa naissance et sa condition première ne l’avaient pas destiné.

Rectifier de semblables légendes est une œuvre digne d’éloges, car l’histoire a pour premier devoir d’être fidèle à la vérité ; c’est presque une œuvre pie, quand la légende est l’écho de la voix du plus fort ; l’histoire alors, comme le dit fièrement l’auteur anonyme de Robert Emmet, « devrait être le dernier refuge des malheureux et des vaincus ». lais l’œuvre est aussi difficile qu’elle est méritoire. La postérité n’est pas toujours mieux éclairée, et elle est rarement plus impartiale que les contemporains. Comme eux elle se courbe devant le succès ; comme eux elle obéit à l’esprit de parti. Pour l’obliger à reconnaître qu’elle s’est trompée, ce que n’aiment jamais les hommes, il ne suffit pas de lui démontrer par des preuves que la légende est fausse ; il faut créer ou rencontrer un courant d’opinion contraire