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granvelle aux pays-bas

à celui qui jadis a fait naître la légende. Or, ce courant, ce n’est pas la démonstration froide et claire de la vérité qui peut le déterminer, ce sont les passions seules ; c’est le besoin de trouver dans le passé des arguments ou des allusions pour servir les intérêts actuels. En dépit des érudits, Étienne Marcel sera, suivant les temps, un traître ou un héros.

Il faut le reconnaître d’ailleurs, ces injustices sont rarement sans excuse. L’erreur n’a pu l’accré­diter que parce qu’elle était conforme à la vraiseblance, c’est-à-dire à la vérité morale. Marie Stuart n’a peut-être pas trempé dans le meurtre de Darnley, mais elle a épousé le meurtrier. Dubois n’a pas volontairement humilié la France, mais il l’a indignée par ses vices, ses intrigues, ses bassesses, et l’opinion unanime lui a attribué cette bassesse de plus. En allant au fond des choses, on trouve, derrière la prétendue injustice de l’histoire, la justice des jugements humains. Même au siècle des Poltrot de Méré et des Balthasar Gérard, même pendant la profonde démoralisation de la Régence, la conscience des contemporains a flétri la reine qui pouvait avoir assassiné son mari, le ministre qui pouvait avoir trahi son pays. L’histoire peut plus tard réviser ces verdicts ; l’humanité n’a pas à les regretter.

On sait que de nombreux documents authentiques,