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lettres de dubuisson

dans les promenades ; nous pouvons nous représenter cet état de choses en nous rappelant ce que nous avons vu nous-mêmes il y a quelques années, lorsque le silence était imposé à la presse. Nous avons connu ces bruits que le public écoute parce qu’ils satisfont sa passion, qu’il arrange, grossit, transforme, et dont on peut dire qu’ils contiennent toujours, à côté d’un fond de vérité, assez d’erreurs pour tromper qui voudrait les prendre à la lettre. Ces bruits couraient de bouche en bouche, d’autant plus dangereux que nul ne se donnait la peine de les contrôler, et que ceux qu’ils concernaient pouvaient les ignorer et tarder à les démentir. « On a beau, à Paris, être près des évènements, on est souvent longtemps à démêler la vérité, parce que ceux qui les racontent en changent les circonstances suivant leur intérêt et leurs préjugés. Ce n’est qu’avec de l’attention et de la patience qu’on peut lever le voile dont ils les couvrent. » Il arrive quelquefois à Dubuisson de rapporter des bruits que lui-même déclare peu croyables, et qu’il démentira dans la lettre suivante : « Mais, dit-il avec raison, l’on ne doit pas ignorer qu’ils ont couru. » Pour nous, comme pour lui, ceux-là ne sont pas moins intéressants ni moins caractéristiques que les autres ; ils complètent le tableau de l’époque en nous montrant ce que pensait le public qui les imaginait ou qui y ajoutait foi ; ils la pei-