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le charme de l’histoire

gnent avec autant de vérité peut-être que les faits vrais, et ce serait, suivant nous, non seulement faire une étude curieuse, mais retracer un fidèle portrait d’un siècle, que de recueillir l’histoire de tous les faux bruits qu’il a acceptés.

Le cercle sur lequel se portait alors la curiosité publique, ce qu’on appellerait maintenant le Tout Paris, était beaucoup plus restreint qu’aujourd’hui. En dehors des hommes de lettres, de la cour, du haut clergé, du parlement, le reste ne valait l’honneur d’être nommé que si quelque scandale éclatant, quelque ridicule étrange, ou une aventure avec quelque personnage en vue le tirait pour un instant de son obscurité. La plupart des anecdotes nous donnent le droit de penser que le niveau moral des gens du monde n’était guère plus élevé que celui des gens de lettres. Dubuisson frissonne en parlant de deux ou trois assassinats ; mais il conserve la tranquillité d’un homme qui, tout en condamnant, ne s’étonne pas, quand il raconte des faits étranges qui témoignent, non seulement de cette licence de mœurs trop connue et dont on trouverait d’ailleurs des exemples à toutes les époques, mais d’une perversion complète du sens moral.

D’autres récits font peu d’honneur à la délicatesse du siècle en fait d’argent : certes notre temps n’est pas de ceux qui ont le droit de se montrer sévères