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sabine

regard à peindre, puisque tu n’as pas touché une brosse depuis six semaines ; — d’ailleurs, dans l’état d’esprit où tu te trouves, on va jusqu’au suraigu…

— Que prétends-tu ?

— Rien. Use ta folie jusqu’au bout. Tu t’étais renfermé uniquement dans la peinture ; mais on n’échappe pas à l’humain, c’est positif. Adieu ! Il est huit heures, et j’entre en scène à neuf.

Et Rougemont quitta fiévreusement son interlocuteur, Henri Duvicquet.

— Jonquille est capable de m’avoir deviné ou trahi, pensa le peintre regardant son ami s’éloigner sur le boulevard, où lui et Rougemont s’étaient attablés une minute au café Cardinal.

Guidé par un instinct d’une douloureuse acuité, Henri gagna la rue de Richelieu, traversa rapidement le Palais-Royal ; arrivé en face du Louvre, il entra chez le surveillant qu’il trouva dans sa loge, assis devant une table où il lisait son journal à la lueur d’une bonne lampe.

— Ah ! Monsieur Duvicquet ! fit en se levant le surveillant. Est-ce que vous auriez affaire au secrétariat ? Monsieur est parti depuis longtemps.

— Non, mon brave, l’affaire qui m’amène est fort simple. J’ai vendu, hier, une copie de Philippe de Champagne qu’on m’enlève demain matin, et je voudrais revoir une dernière fois l’original.

— Bien, monsieur, je vais vous conduire là-haut, répliqua l’employé, en homme qui savait que la