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plus vite. Là étaient ses dernières ressources : il lui devenait rationnellement impossible de couvrir ses pertes récentes.

Cependant l’effervescence grondait ; on nommait comme auteur du désastre, qui, en moins d’une heure, mettait la totalité des valeurs en baisse, certain banquier, intime du grand Manitou, membre d’un syndicat qui recevait directement des ordres de la rue de la Chaussée-d’Antin, et qui, en achetant soixante mille Suez à 300 fr., était parvenu à les faire monter jusqu’à trois mille. Une fois à ce taux, il les lâchait subitement ; en sorte que cette avalanche de titres, encombrant le marché, pesait lourdement sur le cours ; cela provoquait un effondrement de l’universalité des valeurs, portant à la fortune publique une perte de cinq milliards au moins. Le principal meneur de ce syndicat, qui partageait ainsi que le banquier aimé du Manitou le titre d’entraîneur et d’allumeur, cet homme n’osait pas reparaître à la Bourse depuis deux jours.

Ce qui aggravait la situation d’Henri, c’était l’écroulement des minces fortunes dont il demeurait le dépositaire et que, par une étourderie manifeste, son inexpérience avait livrées à la voracité du syndicat ; ne subissant que le contre-coup de la ruine générale, son infortune restait commune, identique à celle de ses confrères ; mais rien ne pourrait justifier, à l’égard de ses clients, l’impossibilité radicale de rembourser ce dont il ne disposait que depuis la veille. Or, comment admettrait-on