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6 JEAN-FRANÇOIS MILLET.

dans cette orbite l’humanité tout entière ; en créant un paysage, vous penserez à l'homme ; en créant un homme vous penserez au paysage. » La difficulté était grande, de réussir à combiner les deux éléments sans sacrifier l'un à l’autre, sans réduire la nature au rôle de toile de fond, ou l’homme à celui de comparse. I1 ne semble même pas qu’il l’ait soupçonnée, tant la fusion est aisée dans ses œuvres, tant le milieu et l'action y occupent leur place et y affectent leur importance exacte. C’est qu’il était né et avait grandi dans des conditions toutes particulières, que cette nature habitée qu'il se voua à peindre, il ne l'avait jamais contemplée d’une façon extérieure, détachée en quelque sorte, mais qu’il y avait baigné dès sa première heure et en avait fait partie intégrante, en sa double qualité d’enfant des champs et d’ouvrier du sol. À ce point de vue, sa biographie éclaire ses ouvrages de la lumière la plus nette, et le récit de ses jeunes années explique, mieux que tout commentaire, le caractère vécu, la saveur terrienne de son art.

Jean-François Millet naquit à Gruchy, hameau de la commune de Gréville, située à quelques kilomètres de Cherbourg, le 4 octobre 1814, d’une famille de cultivateurs aisés. Autour de l'aïeule, Louise Jumelin, veuve depuis quinze ans, se groupaient son fils, Jean-Louis-Nicolas Millet, sa bru, Aimée-Henriette-Adélaïde Henry, et leurs enfants ; l'artiste fut le deuxième sur huit. C’était un milieu vraiment patriarcal : la maîtresse de maison, hospitalière, charitable, humble et soumise devant Dieu ;