Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/100

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avec l’ombre, appuyés contre les murs. Là, derrière les fenêtres grillées, à l’abri des tapis de Perse et des tentures d’Asie Mineure, que d’heures passées dans la volupté ! — Et ces filles lâchées avaient séduit des imperatores — et c’était lui, le pauvre, l’humble Virgou qui le leur avait appris — lui avec Loukia.

Mais les delatores avaient fermé sa maison et emmené Loukia — loin — très loin. Virgou ne savait pas au juste où, mais c’était dans quelque souterrain sinistre, plus sombre que les Latomies, où elle devait cuire, par ordre des Seigneurs, des poisons aux saveurs excitantes pour réveiller leurs sens engourdis, en accompagnant le bruissement aigu des préparations bouillantes de son incantation monotone et lente.

Sans doute elle veillait près du feu, les cheveux épars flottant sur ses épaules nues et elle agitait toujours sa baguette au-dessus du mélange bouillonnant.

Mais lui, Virgou, s’était usé après toutes ces petites filles ; il avait langui dans la pauvreté, puis dans la misère ; et maintenant il tendait la main. Son sang vicié lui apportait de hideux ulcères aux jambes et la lèpre commençait à gonfler la peau de sa tête.

Et là-bas sa Loukia l’avait oublié au milieu de ses boîtes à encens respirant l’achante, ses aerizoulae azurées aux oreilles, dans les odeurs d’agloophotis et d’ivraie, tandis que les alloukitae venaient voltiger en rangs pressés autour de sa lampe fumeuse.

. . . . . . . . . . . . . . . . .

Dans le frissonnement des rideaux d’étoffe syrienne dont les lourds plis s’abattaient pesamment sur les coussins brodés, elle se roulait légèrement. La