Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/136

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vint à articuler formellement calomnies sur calomnies.

(2) Crédule à son ordinaire, et trop indolent pour examiner, l’empereur prenait au sérieux tous ces bruits. Il avait chargé Arbition et Florence, maître des offices, de faire une enquête sur l’événement d’Amida.

(3) Ceux-ci, dans la crainte de déplaire au grand chambellan Eusèbe en laissant percer au grand jour que la lâche inertie de Sabinien était la cause unique du désastre, écartèrent les faits qui parlaient le plus haut, ne s’attachant qu’aux circonstances insignifiantes, ou même le moins en rapport avec l’objet de leur mission.

(4) Cette indigne manœuvre mit Ursicin hors de lui. "L’empereur, dit-il, ne veut pas m’en croire ; mais je soutiens que la gravité de l’affaire est telle qu’il n’appartient qu’à lui d’en connaître, et qu’il n’a pas d’autre moyen d’arriver à la vérité. Je lui prédis en outre que s’il se borne à gémir sur le trop fidèle tableau de la catastrophe, ne se fiant qu’aux inspirations de ses eunuques, sa présence même au printemps, à la tête de toutes ses forces, n’empêchera pas le démembrement de la Mésopotamie."

(5) Ce propos, relevé et singulièrement envenimé par la malveillance, irrita Constance au point que, sans pousser plus loin l’enquête, et coupant court à toute information, il dépouilla le très calomnié Ursicin de sa charge, et, par une promotion vraiment inouïe, lui donna pour successeur Agilon, qui n’était que tribun des scutaires.

Chapitre III

(1) Dans ce même temps le ciel, dans sa partie orientale, se montrait voilé de brouillards et de ténèbres ; et depuis l’instant où naît le jour, jusqu’à l’heure de midi, on ne cessait de voir, à travers cette obscurité, comme une apparition d’étoiles intermittentes. Pour comble d’effroi, l’absence de la lumière diurne était attribuée, par les imaginations ébranlées, à une éclipse solaire d’une durée inusitée. L’astre du jour finissait, en effet, par se montrer, mais avec les phases de la lune. Comme elle, il offrait d’abord les deux cornes d’un croissant ; arrivait par degrés à figurer le demi-cercle d’un quartier ; puis enfin son disque entier se dégageait de l’ombre.

(2) Or, cette série de phénomènes ne se reproduit évidemment que quand la lune, après les inégalités de sa course mensuelle, est revenue au point initial d’une période plus longue, qui la ramène sous le soleil, qu’elle nous cache. La ligne droite que tous deux forment alors avec la terre, pendant un de ces instants indivisibles qu’admet la géométrie, répond à un seul et même point du zodiaque.

(3) Bien qu’au terme de chaque mois lunaire, les mouvements et les révolutions des deux astres les mettent invariablement en conjonction, il n’en résulte pourtant pas (ainsi que l’avaient remarqué ceux qui se livrent à l’étude des causes physiques accessibles à notre intelligence) que le soleil se trouve toujours masqué ces jours-là. Il faut en effet que la lune, qui oscille d’un côté à l’autre de l’écliptique, s’en rapproche assez pour se trouver à peu près vis-à-vis du soleil, de manière à s’interposer entre notre œil et ce globe de feu.

(4) Le disque du soleil (dont le centre ne sort jamais de l’écliptique) ne perd donc à nos yeux de son étendue et de son éclat, que quand la marche du globe lunaire, le plus bas des corps célestes, l’amène dans le voisinage de ce grand cercle ; encore la grandeur de l’éclipse dépend-elle, d’après la belle et savante démonstration de Ptolémée, d’abord de la conjonction plus ou moins précise