Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/150

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fut bien gardée, et en effet des liens multipliés de gratitude l’attachaient à Constance. Le principal était le mariage que ce dernier lui avait fait contracter avec Olympias, fille d’Ablabius, ancien préfet du prétoire, laquelle antérieurement avait été fiancée à son frère, l’empereur Constant.

(4) Constance, après le départ d’Arsace, prit lui-même sa route par Mélitène, ville de l’Arménie Mineure, Lacotène et Samosate, et gagna Édesse en passant l’Euphrate. Là il fit une station prolongée pour attendre les renforts de troupes et les convois de vivres qui lui arrivaient de tous côtés, et n’en sortit qu’après l’équinoxe d’automne, pour se rendre à Amida.

(5) Quand il vit de près ces remparts et ces édifices en cendres, son cœur se gonfla, et ses yeux se mouillèrent en songeant à tous les maux qu’avait soufferts cette malheureuse ville. Ursule, garde du trésor, qui se trouvait là en ce moment, s’écria, dans l’amertume de sa douleur : "Et voilà comme nos villes sont défendues par ceux que l’État s’épuise à ne laisser manquer de rien ! " Le souvenir de ce propos suffit pour exciter plus tard à Chalcédoine un soulèvement militaire contre ses jours.

(6) D’Amida, l’armée se porta en colonnes serrées sur Bézabde, et y campa en se retranchant d’un fossé et d’une palissade. L’empereur monta à cheval pour faire, hors de la portée des traits, le tour de la ville, et, durant cette excursion, apprit de plus d’une bouche que les parties des défenses, dégradées par le temps et par l’incurie de l’autorité précédente, avaient été réparées et renforcées.

(7) Voulant ne commencer les hostilités qu’après l’épuisement des moyens conciliatoires, il députa aux assiégés d’habiles négociateurs, pour leur offrir l’alternative ou de retourner chez eux, gardant la possession paisible de tout le butin qu’ils avaient conquis, ou d’accepter la domination romaine, avec perspective assurée d’être comblés de dignités et de largesses. La réponse des chefs fut conforme au caractère indompté de leur nation : ils étaient tous de haute naissance, et les travaux ni les dangers ne leur faisaient peur. Il ne restait donc plus qu’à tout disposer pour le siège.

(8) Alors l’armée serre ses rangs, et, s’ébranlant au son guerrier des trompettes, aborde vigoureusement la place de tous côtés à la fois. Les légions se divisent en plusieurs corps, qui forment la tortue de tous leurs boucliers unis, et tentent sous cet abri de saper le pied des murs. Mais une prodigieuse quantité de projectiles de toute sorte eut bientôt rompu l’espèce de toit qui régnait au- dessus de leurs têtes, et la retraite dut être sonnée.

(9) Un jour entier fut donné au repos ; et le suivant les nôtres recommencent l’assaut, en essayant, pour se couvrir, de moyens plus efficaces. Tout le circuit des remparts était tendu de cilices qui cachaient les assiégés à notre vue ; mais ils n’hésitaient pas, quand il le fallait, à sortir de derrière ce rideau pour jouer des bras, et nous accabler d’une grêle de pierres et de traits.

(10) Ils laissaient nos mantelets s’approcher avec confiance du pied des murs ; mais, dès qu’ils y touchaient, des tonneaux remplis de terre, des meules de moulins, des fragments de colonnes, se ruaient d’en haut, brisaient ces abris factices, et forçaient ceux qui s’en étaient protégés à se disperser à tout risque.

(11) Le siège durait depuis dix jours, et la confiance