Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/152

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(18) Le nombre des combattants s’était beaucoup éclairci des deux parts ; mais les Perses en étaient arrivés à leur dernière heure, s’ils n’étaient parvenus à se relever par une sortie nouvelle et mieux combinée. Une force imposante se montra tout d’un coup hors des murs ; et cette fois les incendiaires, qui étaient placés au centre des combattants, réussirent à jeter sur nos machines une multitude de corbeilles de fer, pleines de sarments enflammés et d’autres combustibles.

(19) Le tout en un instant fut enveloppé d’épais tourbillons de fumée. À cette vue, la trompette sonne, et les légions qui se trouvaient sous les armes précipitent le pas. Leur ardeur s’accroît à mesure qu’elles avancent ; mais à peine en vient- on aux mains, que déjà nos machines apparaissent embrasées. Le grand bélier seul put être sauvé, quelques soldats, par un vigoureux effort, ayant réussi à couper les cordes qui le retenaient encore au rempart, et à le tirer demi-consumé du milieu des flammes.

(20) La nuit qui survint mit fin à cette mêlée, mais sans apporter beaucoup de répit aux soldats. Réveillés par leurs chefs après quelques courts instants de réfection et de sommeil, ils reçurent l’ordre de faire rétrograder loin des murs l’attirail entier des machines ; et l’on prit des mesures pour une attaque faite du haut des terrasses qui dominaient déjà les fortifications. On y dressa deux balistes, afin de nettoyer plus aisément ces remparts de leurs défenseurs ; car leur seul aspect, croyait-on ferait que pas un ennemi n’oserait s’y montrer.

(21) Ces dispositions faites, à l’approche du crépuscule, une triple ligne de combattants, dont un grand nombre était muni d’échelles, s’avance, secouant le cimier du casque en signe de défi, pour tenter l’assaut des murs. Le bruit des clairons se mêle au retentissement des armes, et de part et d’autre le combat s’engage avec une égale audace. Les Romains, dont le front d’attaque était plus étendu, voyant se cacher les Perses, qu’intimidait l’aspect de nos balistes, recommencèrent à battre du bélier la tour, et, en dépit d’une grêle de traits, toujours poussaient en avant, armés de leviers, de marteaux et d’échelles.

(22) Comparativement les Perses avaient bien plus à souffrir, écrasés comme ils étaient par les décharges continuelles et régulières de nos balistes, dont les coups plongeaient sur eux de ces hauteurs artificielles. Ils crurent le moment fatal arrivé, et se partagèrent les rôles pour un dernier effort. Une partie de leurs forces resta pour la défense des murs, tandis qu’une troupe d’élite, ouvrant sans bruit une poterne, fit soudain irruption l’épée à la main, suivie d’une autre qui portait des feux cachés ;

(23) et pendant que les soldats armés occupent les Romains, tour à tour se laissant repousser et revenant à la charge, les autres se glissant, courbés en deux, et rampant ventre à terre jusqu’au pied de l’une des terrasses, dans la construction de laquelle entraient des branches d’arbres et des fascines de jonc et de roseaux, y introduisent des charbons allumés entre les jointures. En un instant toutes ces matières inflammables eurent pris feu, et les nôtres n’eurent que le temps, à travers mille dangers, de retirer leurs machines intactes.

(24) La nuit qui s’approchait mit encore fin à l’action, et l’on fit retraite de part et d’autre pour prendre quelque repos. L’empereur était dans un embarras extrême.