Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/159

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secret de sa correspondance éventé par l’arrestation de son secrétaire. Julien toutefois ne lui fit pas même de reproches, et se contenta de le reléguer en Espagne. Il n’avait eu d’autre intention, en effet, que d’empêcher qu’en son absence cet homme dangereux ne troublât de nouveau la tranquillité des Gaules.

(7) Rassuré, touchant ses projets ultérieurs, par cette capture, dont le succès avait passé son attente, Julien se disposa sans plus de retard à punir les barbares du désastre qu’avaient éprouvé le comte Libinon et sa poignée d’hommes.

(8) Afin de leur dérober sa marche, dont le bruit seul eût pu les renvoyer au loin, il passa le Rhin dans le silence de la nuit, avec les plus légères troupes auxiliaires, et entoura les ennemis, qui ne songeaient à rien. Pendant que, réveillés par le bruit des armes, ils cherchent leurs traits et leurs épées, le prince fond sur eux, en tue un grand nombre, fait grâce à ceux qui offrent en suppliants la restitution de leur butin, et accorde la paix au reste, sur l’assurance qu’ils ne la troubleront plus désormais.

Chapitre V

(1) L’esprit encore échauffé de sa réussite, Julien, dont la sagacité ne s’abusait pas sur la portée du mouvement politique dont il avait donné le signal, comprit à merveille que dans les résolutions de ce genre il faut aller droit au but, et qu’il y avait avantage à proclamer lui-même son indépendance. Voulant toutefois se bien assurer des dispositions du soldat, après un sacrifice secret à Bellone, il fait assembler l’armée au son des trompettes ; puis, se plaçant sur une estrade en pierre, il s’exprime, déjà plus sûr de lui-même, et donnant à sa voix plus d’éclat qu’à l’ordinaire, dans les termes que voici :

(2) "En présence d’événements aussi graves, illustres compagnons, sans doute chacun de vous forme des conjectures, et attend impatiemment que je m’ouvre enfin sur la situation et sur les mesures que commande la prudence. Écouter est plutôt le rôle du soldat que discourir. Mais aussi le caractère bien connu de votre chef vous est garant qu’il ne vous proposera rien qui ne soit convenable ; et digne de votre approbation. Prêtez donc une oreille attentive au simple exposé que je vais vous faire de mes vues et de mes plans.

(3) Placé bien jeune au milieu de vous par la volonté divine, j’ai su repousser les irruptions incessantes des Alamans et des Francs, et tenir en bride leur ardeur de pillage. J’ai pu, avec le secours de vos bras, ouvrir le Rhin dans tout son cours aux armes romaines. Ni les effroyables clameurs, ni le choc redouté des barbares, ne m’ont fait reculer d’un pas : je sentais derrière moi l’appui de votre courage.

(4) Voilà ce que la Gaule témoin de votre héroïque labeur, la Gaule renaissant de ses cendres après cette longue suite de désastres, redira, dans ses actions de grâce, jusqu’à la dernière postérité.

(5) Élevé aujourd’hui par vos suffrages, et par la force des choses, à la dignité d’Auguste, j’ose, avec l’aide de Dieu et la vôtre, tenter vers la fortune encore un pas de plus. Je puis dire à ma louange (et cette conscience me soutient) que cette armée si brillante par sa valeur, et