Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/167

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volants adaptés à cet usage. Ceux-ci, pendant qu’on échangeait des volées de pierres et de traits au-dessus de leurs têtes, travaillaient à faire brèche dans les murs, et à pénétrer par là dans la ville.

(10) Mais cette ingénieuse combinaison vint encore à manquer son effet. Les tours, assaillies à leur approche de brandons enduits de poix ardente, de roseaux, de sarments, et autres matières inflammables, prirent feu incontinent, et, perdant l’équilibre par le poids de leurs défenseurs, qui se jetèrent tous précipitamment d’un côté, s’abîmèrent dans le fleuve avec ceux qu’avaient épargnés les projectiles de l’ennemi.

(11) Restés ainsi à découvert, les vélites qui avaient passé sous les murs furent écrasés de grosses pierres, sauf le petit nombre qui parvint, à force d’agilité, à se sauver au travers des débris. Vers le soir, le signal de la retraite mit fin au combat, dont les deux partis emportèrent des impressions bien différentes.

(12) Le deuil des assiégeants, qui pleuraient la mort de leurs camarades, fortifiait l’espoir de vaincre chez les habitants, qui avaient pourtant fait aussi de grandes pertes. On ne s’en préparait pas moins à recommencer ; et, après une nuit consacrée à reprendre des forces par le sommeil et la nourriture, au point du jour le son des instruments redonna le signal de l’attaque.

(13) Parmi les assiégeants, les uns, pour combattre plus à l’aise, élevaient leurs boucliers au-dessus de leur tête ; d’autres portaient, comme précédemment, des échelles sur leurs épaules. Tous s’élançaient avec fureur, offrant leur poitrine aux coups de l’ennemi. Ceux-ci, en cherchant à briser les ferrements des portes, succombaient sous une pluie de feux, ou écrasés par les énormes pierres qu’on faisait rouler du haut des murailles ; ceux-là, qui avaient résolument franchi le fossé, s’y trouvaient culbutés par les brusques sorties que la garnison opérait par les poternes, ou ne se retiraient que couverts de blessures. La retraite des assiégés était protégée contre tout retour offensif par des espèces de redoutes en gazon, élevées en avant des murailles.

(14) On peut dire qu’ils se montrèrent supérieurs encore à leurs adversaires en persévérance, et par le parti qu’ils surent tirer des seules défenses de la place. Impatients des longueurs du siège, les soldats ne cessaient de rôder autour de la ville, cherchant quelque point accessible à l’assaut, ou qu’on pût entamer par l’emploi des machines.

(15) Enfin, la certitude de rencontrer toujours des difficultés insurmontables amena du relâchement dans les efforts. On abandonnait son poste ou sa faction pour marauder dans les campagnes voisines. Y trouvant tout en profusion, on faisait part de son butin à ses camarades. L’armée se gorgeait de vin et de nourriture, et ces excès répétés finirent par lui ôter de sa vigueur.

(16) Julien hivernait alors à Constantinople. Averti de ce désordre par les rapports d’Immon et de ses collègues, il s’empressa d’y porter remède. Il fit partir aussitôt Agilon, maître de l’infanterie, pour porter à Aquilée la nouvelle de la mort de Constance, pensant bien que devant cette notification, faite par une bouche si honorable, les portes de la ville s’ouvriraient aussitôt.

(17) En attendant, les opérations du siège n’étaient pas suspendues. Tout autre moyen ayant échoué,