Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/168

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ou essaya de réduire la ville par la soif, en coupant les aqueducs. Mais la résistance n’en fut que plus opiniâtre. L’armée, à force de bras, parvint à détourner le fleuve. On n’en fut pas plus avancé. Les habitants se résignèrent à boire de l’eau de citernes, qu’on ne distribuait encore qu’à petites rations.

(18) Sur ces entrefaites Agilon arrive à Aquilée, et, pour obéir à ses instructions, se présente résolument au pied des remparts avec une escorte. Il fait l’exposé véridique de ce qui s’est passé : Constance est mort, et Julien en pleine possession du pouvoir suprême. Mais il eut beau protester, on ne lui répondit d’abord que par des démentis et des injures. Ce ne fut qu’en venant, avec un sauf-conduit, confirmer ses assertions sur le rempart même, qu’il put enfin obtenir créance.

(19) Cette fois la ville ouvrit avec un joyeux empressement ses portes au chef qui lui apportait la paix. On tâcha de se justifier en rejetant tout le tort sur Nigrinus et quelques autres, dont le supplice fut demandé en expiation de la révolte, et des maux qu’elle avait attirés sur la ville.

(20) Une enquête fut introduite sans délai sous la direction de Mamertin, préfet du prétoire, à la suite de laquelle Nigrinus fut brûlé vif, comme premier instigateur de l’insurrection. Les sénateurs Romulus et Saboste, convaincus de l’avoir fomentée, périrent après lui par le fer. On fit grâce à tous ceux que la contrainte, plus que leur penchant, avait rendus complices de cette guerre civile ; distinction posée d’avance par la clémente justice de l’empereur.

(21) Avant que tous ces résultats fussent connus, l’anxiété de Julien à Nysse était des plus grandes. Il se voyait menacé de deux côtés. D’abord la garnison d’Aquilée pouvait, fermant par un détachement les défilés des Alpes Juliennes, le priver de communication avec les provinces, et des secours qu’il en attendait.

(22) L’Orient aussi lui donnait des craintes. Le comte Marcien, disait-on, avait formé un noyau des cantonnements épars dans la Thrace, et marchait vers le pas de Sucques. Julien n’en faisait pas moins ses dispositions pour toutes les nécessités du moment. Il concentrait son armée d’Illyrie, composée de troupes éprouvées, et toujours prête à suivre son belliqueux chef au milieu des dangers.

(23) Les intérêts privés n’étaient pas non plus oubliés dans cette crise ; il jugeait toujours les procès, et, de préférence, ceux où se trouvait en cause l’ordre des magistrats municipaux, qu’il favorisait au point d’imposer souvent ces charges onéreuses au mépris des droits d’exemption les plus fondés.

(24) Julien vit à Nysse Symmaque et Maxime, deux personnages éminents, envoyés par le sénat en députation à Constance. Il ne leur en fit pas pour cela moins bon accueil. Le second même fut nommé par lui préfet de Rome, en remplacement de Tertulle ; et cela, uniquement dans le but de plaire à Vulcace Rufin, dont Maxime était le neveu. Il faut noter cependant que sous l’administration de ce dernier l’abondance régna dans la ville, et que pas une plainte ne s’éleva sur la cherté des subsistances.

(25) Enfin, pour donner des gages aux fidèles et raffermir les incertains, Julien nomma Mamertin, qui était préfet d’Illyrie, consul avec Névitte, lui qui naguère reprochait