Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/194

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contenait pour n’en rien témoigner, et n’en persistait pas moins dans ses pratiques religieuses.

(4) Il voulut un jour sacrifier à Jupiter sur le Casius, très haute montagne boisée, arrondie à sa base, et qui reçoit au chant du coq les premiers rayons du soleil. Il s’y rendit donc au jour fixé, et se livrait aux soins du sacrifice, lorsqu’il vit un homme prosterné à ses pieds, qui implorait son pardon d’une voix suppliante. Julien demande qui est cet homme : on lui dit que c’est Théodote, ancien président du conseil d’Hiérapolis, qui, reconduisant Constance à son départ, à la tête des notables de la ville, avait eu l’hypocrite bassesse de le supplier les larmes aux yeux, comme le voyant déjà vainqueur, de leur envoyer la tête de l’ingrat rebelle Julien, afin de renouveler le spectacle qu’on avait donné de celle de Magnence.

(5) Julien se contenta de répondre au suppliant : "Ton propos m’est revenu, dans le temps, de tous les côtés. Mais retourne tranquillement chez toi, et compte sur la clémence de ton empereur. Par prudence, il veut diminuer le nombre de ses ennemis ; par penchant, il aime à se faire des amis."

(6) Et il continua le sacrifice, à l’issue duquel il reçut du correcteur d’Égypte une lettre qui lui annonçait qu’après bien des recherches infructueuses on avait fait enfin la découverte du dieu Apis ; ce qui, dans les croyances du pays, présage une production abondante de tous les biens de la terre.

(7) Quelques mots à ce sujet. De toutes les consécrations d’animaux en usage dans l’antiquité, celles de Mnévis et d’Apis sont les plus solennelles : le premier voué au soleil, et dont la tradition ne dit rien de remarquable ; le second, à la lune. Le bœuf Apis naît marqué de divers signes, mais notamment avec l’empreinte du croissant lunaire sur le flanc droit. Arrivé au terme de son existence, le dieu disparaît par immersion dans une fontaine ; car il n’est pas permis de le laisser vivre au-delà du temps prescrit par l’autorité mystique des livres sacrés, ni de lui offrir plus d’une fois par an la génisse sa compagne, qui est marquée également de signes particuliers. On lui cherche alors un successeur avec tout le cérémonial d’un deuil public ; et dès qu’on en a pu trouver un doué des qualités requises, on le conduit à la grande ville de Memphis, célèbre par la présence divine d’Esculape.

(8) Là cent prêtres introduisent l’animal dans son sanctuaire ; et dès ce moment il est sacré, et chacun de ses mouvements est interprété comme manifestation de l’avenir. L’histoire dit qu’il se détourna lorsque Germanicus César lui offrit à manger de sa main ; signe du malheur qui allait arriver à ce prince.

Chapitre XV

(1) L’ordre des matières semble exiger ici que j’ajoute quelques notions rapides sur l’Égypte aux détails que j’ai précédemment donnés avec plus d’étendue sur ce pays, dans les règnes d’Adrien et de Sévère ; détails dont en grande partie je puis, sur la foi de mes yeux, garantir l’exactitude.

(2) L’Égypte est la plus ancienne des nations, si l’on excepte celle des Scythes, qui dispute avec elle d’antiquité. Elle a pour bornes au midi la grande Syrte, les promontoires de Phycus et de Borion, et le pays habité par les Garamantes et autres peuples ; à l’orient, les villes éthiopiennes d’Éléphantine et de Méroé, les cataractes, la mer Rouge, et les Arabes Scénites, que nous appelons Sarrasins. Au nord, elle touche à l’immense continent