Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/224

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seconde nuit Hormisdas faillit tomber entre les mains du suréna (la plus haute dignité après le roi chez les Perses), qui lui avait préparé une embuscade de concert avec Malek Posodacès, le phylarque des Sarrasins Assanites, brigand fameux par ses sanglantes déprédations sur les frontières. Ils avaient été, on ne sait comment, avertis d’une reconnaissance que notre allié devait faire. Mais le coup manqua, parce que Hormisdas ne put trouver de gué pour passer le fleuve, dont le lit est en cet endroit très resserré, mais très profond.

(5) Nous eûmes les Perses en présence aux premières lueurs du jour. On vit de loin briller les casques, et s’avancer rapidement ces redoutables cavaliers emboîtés dans le fer. Les Romains, d’un élan intrépide, et couverts de leurs boucliers, volent à leur rencontre. La colère a doublé le courage. Rien ne les arrête, ni la menace de tous ces arcs tendus, ni l’éblouissement causé par le reflet des armures ; et l’ennemi se voit joint de si près qu’il ne peut décocher une flèche.

(6) Animés par ce premier succès, les nôtres poussent jusqu’au bourg de Macépracta, où subsistent encore les restes d’une muraille servant jadis, à ce qu’il paraît, de boulevard à l’Assyrie contre les entreprises de ses voisins.

(7) Là le fleuve se partage en deux bras, dont l’un forme de larges canaux qui vont au loin fertiliser les campagnes, et distribuer l’eau dans les villes de la Babylonie. L’autre bras, qu’on appelle Naarmalcha, c’est-à-dire fleuve royal, baigne les murs de Ctésiphon. Une haute tour, en forme de phare, s’élève au point de jonction. On établit sur le dernier bras des ponts solides pour le passage de l’infanterie.

(8) Nos cavaliers tout armés fendirent de biais le courant, en choisissant les endroits les moins dangereux. Une grêle de traits accueillit subitement nos troupes à l’autre bord ; mais nos auxiliaires, exercés à la course, s’acharnèrent comme autant d’oiseaux de proie sur ceux qui les avaient lancés, et n’en laissèrent pas un debout.

(9) Nous arrivâmes après cet exploit devant Pirisabora, ville étendue, populeuse, et environnée d’eau comme une île. L’empereur en fit le tour à cheval, prenant ostensiblement toutes les dispositions préalables d’un siège. Il espérait, par cette seule démonstration, ôter aux habitants l’idée de résister ; mais divers pourparlers ayant eu lieu, sans que prières ni menaces eussent produit aucune impression, il résolut d’en venir aux effets. Trois lignes d’attaque se formèrent donc autour de la ville, et pendant un jour entier on échangea des projectiles.

(10) La garnison, forte et résolue, s’empressa, pour amortir nos traits, de garnir tout le développement des remparts d’épais rideaux en poil de chèvre. Derrière leurs boucliers, formés d’un épais tissu d’osier recouvert de cuirs frais, les Perses faisaient bonne résistance : on eût dit des statues de fer, car une succession de lames de ce métal artistement superposées, et obéissant à tous les mouvements du corps, les enveloppait, de la tête aux pieds, d’une défense impénétrable.

(11) Plus d’une fois ils témoignèrent le désir de parler à Hormisdas, leur compatriote, et qui était issu du sang royal ; mais chaque fois qu’il s’approcha, il fut accablé de reproches et d’injures, et accueilli par les noms de déserteur et de traître. Cette escarmouche de paroles employa une grande partie du jour. Mais dès que la nuit fut venue on