Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/223

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pour les distribuer ensuite dans des canaux d’irrigation, avaient été emportés. Était-ce par la main des hommes, ou par la seule force du courant ? C’est ce qu’on n’a jamais pu savoir.

(12) Nous avions pris et incendié la seule forteresse ennemie qui se fût rencontrée devant nous. et transporté ailleurs ses défenseurs captifs. La confiance de l’armée s’en était accrue. Elle proclamait à haute voix son enthousiasme pour son prince, qu’elle considérait comme l’élu de la faveur divine.

(13) Mais sa circonspection à lui n’en était pas diminuée : il se sentait en pays inconnu et savait avoir affaire aux plus insaisissables des ennemis et aux plus féconds en stratagèmes. On le voyait tantôt en front, tantôt en queue, ou, suivi d’un détachement de cavalerie légère, fouillant les taillis, explorant les vallées, dans la crainte de quelques embûches, et tour à tour gourmandant avec sévérité, ou reprenant avec sa douceur naturelle, l’imprudence du soldat qui s’écartait trop du gros de l’armée.

(14) Il permit toutefois d’incendier, avec les habitations, les riches moissons qui couvraient la campagne, mais seulement après que chacun eut fait provision suffisante de toutes choses. L’ennemi, qui ne s’attendait pas à ces rigueurs, en souffrit cruellement.

(15) Le soldat consommait joyeusement ces vivres obtenus à la pointe de l’épée, en songeant que sa valeur assurait d’autant sa subsistance à venir, et que, tout en vivant dans l’affluence, il ménageait les provisions dont la flotte était chargée.

(16) Il y en eut un qui, dans l’ivresse, eut l’imprudence de passer sans ordre sur l’autre rive. Il fut pris, et mis à mort sous nos yeux.

Chapitre II

(1) La marche suivante nous amena devant la forteresse de Thilutha, qui s’élève au milieu du fleuve sur un pic d’une hauteur excessive, et que l’art n’aurait su protéger plus efficacement que n’a fait la nature. Dans cette position inexpugnable, la garnison quand on lui proposa (comme de raison en termes très adoucis ) de se rendre, répondit que le moment n’était pas venu ; mais que si nous parvenions à nous rendre maîtres du royaume, elle suivrait le sort commun, et reconnaît alors la domination romaine.

(2) Cela dit, ils laissèrent notre flotte défiler au pied même de leurs murs sans lui faire la moindre insulte. Pareil refus nous attendait au fort d’Achaiachala, également bien défendu par sa position insulaire et inaccessible, et que nous laissâmes aussi de côté. À deux cents stades de là, le jour suivant, nous trouvâmes un fort abandonné à cause de la faiblesse de ses murs, et nous le livrâmes aux flammes.

(3) Nous fîmes encore les deux jours suivants deux cents stades avant d’arriver à Baraxmalcha, où nous passâmes le fleuve, pour occuper, sept milles plus loin, la ville de Diacira, désertée par ses habitants, qui laissaient entre nos mains des magasins considérables de blé et de sel blanc. Un temple s’élevait au point culminant de la citadelle. On égorgea quelques femmes qui étaient restées dans la ville, et on y mit le feu. Nous dépassâmes ensuite une source d’où jaillit le bitume, et nous entrâmes dans Ozogardana, que la terreur de notre approche avait fait évacuer. On y montrait encore le tribunal de l’empereur Trajan.

(4) Cette ville fut encore incendiée ; après quoi nous prîmes deux jours de repos. Mais à la fin de la