Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passé deux jours à nous refaire, nous brûlâmes tout ce que nous ne pouvions emporter.

(5) Le lendemain, l’armée poursuivait plus tranquillement sa marche, quand les Perses tombèrent à l’improviste sur notre arrière-garde, et l’eussent facilement enlevée, sans l’intervention d’un corps de cavalerie qui, débouchant à propos d’un vallon, repoussa les assaillants, et leur mit hors de combat beaucoup de monde.

(6) Il périt dans cet engagement un noble satrape, nommé Adacès, chargé précédemment d’une mission près de l’empereur Constance, et accueilli par ce prince avec distinction. Celui qui l’avait tué présenta sa dépouille à Julien, qui le récompensa honorablement.

(7) Ce même jour, les légions portèrent contre le corps de cavalerie attaché à la troisième l’accusation de s’être insensiblement dérobé au moment où elles abordaient l’ennemi, ce qui avait affaibli l’effet de la charge.

(8) L’empereur, plein d’une juste indignation, priva ce corps de ses étendards, fit briser les lances des cavaliers, et les condamna à marcher avec le bagage et les captifs. Leur chef, qui seul s’était bien conduit, reçut le commandement d’un autre escadron, en place du tribun convaincu d’avoir honteusement tourné le dos.

(9) Quatre tribuns des auxiliaires, coupables de la même lâcheté, encoururent simplement la dégradation. Julien leur fit grâce d’une peine plus sévère, en considération des circonstances où l’on se trouvait.

(10) Soixante-dix stades plus loin, l’armée touchait à la fin de ses ressources, et le feu était partout aux pâturages et aux moissons. Chacun s’empressa de disputer cette proie aux flammes et d’en emporter sa charge.

(11) En quittant ces lieux nous arrivâmes en un canton nommé Maranga, où, dès le point du jour, nous eûmes en vue les Perses. Ils venaient à nous en nombre formidable, sous le commandement du Mérane ou chef suprême de la cavalerie, qui avait avec lui les deux fils du roi et plusieurs grands officiers.

(12) Toute cette armée n’était que fer. De la tête aux pieds chaque soldat était couvert d’épaisses lames de ce métal, assez artistement ajustées pour laisser toute liberté aux mouvements des membres et au jeu des articulations. Ajoutez à cette armure des casques figurant par devant la face humaine, et qui ne laissaient de jour que pour voir et respirer ; seuls points par où ces corps complètement cuirassés fussent accessibles aux blessures.

(13) Leurs lanciers restaient immobiles, et comme rivés ensemble par des attaches d’airain. Non loin les archers d’une main tendaient en avant l’arc national, et assuraient la direction de la flèche qui a fait de tout temps la force de leurs armées, et de l’autre, ramenant avec effort la corde au niveau de la mamelle droite, décochaient avec bruit ces roseaux sifflants qui portent au loin la mort.

(14) Derrière eux venaient les éléphants, la trompe levée, et montrant leurs horribles gueules ouvertes Leur vue seule glaçait les cœurs, et les chevaux surtout s’épouvantaient de leurs cris et de l’odeur qu’ils exhalent.

(15) Les conducteurs, depuis la défaite de Nisibe, où les éléphants s’étaient retournés contre leurs propres bataillons et les avaient écrasés dans leur fuite, pour éviter le retour de ce désastre portaient tous, attachés au poignet droit, de longs couteaux à manche ;