Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/245

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Il possédait au plus haut degré l’art de gouverner et de faire la guerre. II se piquait d’être affable, ne montrant de réserve que ce qu’il en faut pour être respecté. Jeune par l’âge, il était déjà vieux par les vertus. Il était amoureux de toutes les sciences, et juge irrécusable en presque toutes. Censeur rigide des mœurs, bien que doux par caractère ; contempteur des richesses et de tout ce qui tient à la condition mortelle, sa maxime favorite était que le sage doit s’occuper de l’âme sans se soucier du corps.

(8) Il brilla par de hautes qualités dans l’administration de la justice, et sut la faire apparaître, suivant les circonstances et les individus, terrible sans qu’elle fût cruelle. Quelques exemples suffirent à réprimer les désordres. II montrait le glaive plutôt qu’il n’en frappait.

(9) On sait avec quelle modération il se vengea d’ennemis personnels qui avaient ouvertement tramé contre lui, et comment sa bonté naturelle intervint entre eux et le châtiment qui leur était dû.

(10) Des campagnes nombreuses, une multitude de combats, témoignent de sa valeur guerrière, comme de son aptitude à endurer l’extrême intensité du froid et de la chaleur. C’est par le corps que vaut le soldat, et le général par la tête. Mais on a vu Julien attaquer corps à corps, abattre sous ses coups de formidables antagonistes ; et seul faire aux siens qui pliaient un rempart de sa poitrine. Sur le sol dompté de la Germanie, sous l’atmosphère suffocante de la Perse, sa présence au premier rang était l’âme de son armée.

(11) Quant à ses talents stratégiques, les preuves en sont notoires et multipliées : villes et châteaux emportés dans les conditions les plus difficiles et les plus périlleuses, ordonnances de batailles aussi savantes que variées, choix judicieux des campements comme sûreté, comme salubrité, disposition intelligente des avant-postes et des lignes de défense.

(12) Il avait sur les soldats un tel ascendant, que, bien qu’intimidés par sa rigueur en fait de discipline, ils le chérissaient comme un camarade. Nous l’avons vu, n’étant que César, leur faire, sans solde, affronter la férocité des barbares, et, par la seule menace de sa démission, ramener à l’ordre une multitude mécontente et armée.

(13) Pour tout dire, en un mot, ne lui a-t-il pas suffi d’une simple exhortation aux soldats des Gaules, habitués aux frimas et au ciel des bords du Rhin, pour les entraîner, à travers tant de contrées lointaines, jusque sur le sol brûlant d’Assyrie et presque aux frontières des Mèdes ?

(14) II fut longtemps heureux, témoin ces immenses difficultés qu’il a surmontées, guidé, pour ainsi dire, par la main de la fortune, alors favorable à ses entreprises ; témoin encore, après qu’il eut quitté l’Occident, cette immobilité où, comme par l’effet d’un talisman, restèrent jusqu’à sa mort les nations barbares.

(15) Une foule d’actes déposent irrécusablement de sa libéralité. Nul prince, en fait d’impôts, n’eut jamais la main plus légère. Il modéra les offrandes de couronnes d’or ; fit remise d’arriérés accumulés ; tint la balance égale dans les contestations entre le fisc et le contribuable ; restitua aux villes la perception des revenus municipaux, et même leurs propriétés foncières, à la réserve des aliénations consommées sous les règnes précédents. Enfin, on ne le vit jamais empressé d’accumuler dans son épargne l’argent qu’il trouvait mieux