Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/25

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le philosophe Épigonius, et d’Émèse l’éloquent orateur Eusèbe, surnommé Pittacus. Ceux-ci n’étaient pas cependant les personnes que Montius avait voulu désigner. Les noms étaient ceux des tribuns des manufactures d’armes, lesquels avaient promis le secours de leurs arsenaux, au cas où quelque mouvement politique viendrait à s’opérer.

Apollinaire, gendre de Domitien, et naguère intendant du palais de César, parcourait alors, avec des instructions de son beau-père, les cantonnements de Mésopotamie. Sa mission, dont il s’acquittait peu discrètement, était de s’informer sous main si Gallus, dans quelque correspondance intime, n’aurait pas laissé percer des pensées de haute ambition. A la nouvelle des événements d’Antioche, Apollinaire s’enfuit à travers l’Arménie inférieure, cherchant à gagner Constantinople. Mais, atteint dans sa fuite par un détachement de protecteurs, il fut ramené à Antioche et emprisonné très étroitement. On apprit sur ces entrefaites qu’un manteau royal avait été clandestinement fabriqué à Tyr, sans qu’on eût pu découvrir qui en avait fait la commande, ni à qui il était destiné. Ce fut assez pour motiver l’arrestation du gouverneur de la province, père d’Apollinaire, et du même nom que lui. On se saisit également d’une multitude de personnes de différentes villes, sur la tête desquelles on faisait peser les plus graves accusations.

Ces malheurs publics s’accomplissaient comme à son de trompe. Le noir génie du prince ne cachait plus ses fureurs ; la vérité blessait sa vue. Plus d’informations juridiques sur le mérite des charges ; plus de différence entre les innocents et les coupables. Toute justice était bannie des tribunaux. En un mot, la défense muette, la spoliation organisée par l’entremise du bourreau, les exécutions multipliées, la confiscation partout ; voilà quel tableau présentait alors l’Orient. C’est, je crois, le moment de jeter un coup d’œil sur ces provinces, laissant de côté la Mésopotamie, dont j’ai donné une idée complète dans la relation de la campagne contre les Parthes, aussi bien que l’Égypte, sur laquelle il entre dans mon plan de revenir plus tard.

VIII. Quand on a surmonté la cime altière du Taurus, du versant occidental de la montagne on voit se dérouler, à droite, les vastes campagnes de la Cilicie ; à gauche, la verte Isaurie, également fertile en vignobles et en moissons. Le Calycadne, fleuve navigable, partage en deux cette dernière province. Deux villes, entre cent autres, en font l’ornement : Séleucie, fondée par le roi Séleucus, et Claudiopolis, colonie de l’empereur Claude. Isaure, jadis trop puissante, et sur laquelle de sanglantes révoltes ont appelé la destruction, aujourd’hui montre à peine çà et là quelques vestiges de son ancienne grandeur.

La Cilicie, déjà fière d’être arrosée par le Cydnus, compte encore parmi ses titres de gloire Tarse, si digne d’attirer les regards ; Tarse, incertaine si elle doit le jour à Persée, fils de Jupiter et de Danaé, ou à Sandan, noble et riche personnage venu d’Éthiopie ; Anazarbe, dont le nom rappelle celui de son fondateur ; et Mopsueste, séjour de Mopsus, compagnon des Argonautes, qui, séparé fortuitement de l’expédition comme elle revenait chargée de la dépouille dorée du bélier de Colchos, trouva sur la rive d’Afrique une fin prématurée. Depuis ce jour les mânes du héros, sous le sable punique qui le couvre, manifestent une