Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/265

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chronologique rigoureux, manquerait également de suite et de clarté.

Chapitre VI

(1) Procope était issu d’une noble famille, né et élevé en Cilicie. Sa parenté avec Julien le mit en évidence dès son entrée dans le monde. Une conduite sans reproche et des mœurs pures, nonobstant ses habitudes de taciturnité et de réserve, lui firent traverser avec distinction les grades de notaire et de tribun, et arriver bientôt aux premiers rangs dans l’armée. À la mort de Constance, son ambition prit naturellement plus d’essor avec le nouvel ordre de choses. Il obtint le titre de comte, et dès lors on put prévoir qu’il remuerait un jour l’État si l’occasion lui en était donnée.

(2) Lorsque Julien entra en Perse, il avait mis Procope avec Sébastien, et revêtu d’un pouvoir égal, à la tête de la réserve considérable qu’il laissait en Mésopotamie ; et, s’il faut en croire une vague rumeur dont la source n’a jamais été bien connue, lui avait donné pour instruction de se tenir prêt à l’événement, et de prendre sans hésiter le titre d’empereur, au cas où lui-même succomberait dans son entreprise,

(3) Procope s’acquittait avec intelligence et docilité de sa mission, quand il apprit à la fois la blessure, la mort de Julien, et l’avènement de Jovien au pouvoir suprême. Il lui revint aussi que le bruit se répandait (bruit tout à fait sans fondement) du désir exprimé à l’article de la mort par Julien, que Procope saisit les rênes du pouvoir. Dès ce moment il se tint caché, de peur qu’on ne se défît de lui sans forme de procès, et redoubla de précaution en apprenant la fin tragique du notaire Jovien, devenu suspect de prétention à l’empire, uniquement parce qu’à la dernière élection les voix de quelques soldats l’en avaient déclaré digne.

(4) Des perquisitions dirigées contre sa personne le firent encore échanger sa retraite contre un asile plus obscur et plus hors de portée. Il y fut de nouveau relancé par Jovien. Las enfin de se voir traqué comme une bête fauve et d’en mener la vie (car cet homme, naguère si élevé dans l’échelle sociale, avait dû se séquestrer de tout commerce avec ses semblables, et se priver dans son affreuse solitude des premières nécessités de la vie ), il prit la résolution extrême de gagner par des chemins détournés le territoire de Chalcédoine,

(5) et, considérant la maison d’un ami comme la plus sûre des retraites, s’alla cacher dans cette ville chez Stratégius, qui, de soldat d’une des milices du palais, s’était élevé au rang de sénateur. De Chalcédoine, Procope fit secrètement plus d’un voyage à Constantinople, ainsi que Stratégius l’a plus tard avoué dans l’enquête dirigée contre les complices de la révolte.

(6) Méconnaissable à force de maigreur et de malpropreté, le proscrit profitait de cette espèce de déguisement pour recueillir, comme l’eût fait un espion intelligent, les murmures et les plaintes, souvent amères, sur l’avarice insatiable de Valens.

(7) Cette passion, chez le prince, était encore excitée par son beau-père Pétrone, personnage hideux de mœurs autant que d’aspect, qui, de simple officier de la légion Martense, n’avait fait qu’un saut au patriciat. Pétrone, avide de dépouilles, se prenant à tous avec la même fureur, enveloppait dans ses filets innocents et coupables. À tort ou à raison il infligeait la torture, puis l’amende du quadruple, pour des répétitions qui remontaient quelquefois jusqu’au règne d’Aurélien.