Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/272

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s’être rendu devant lui sur l’ordre qu’il en avait reçu.

(14) Tout retard paraissait dangereux à l’usurpateur. Et cependant, au lieu d’agir lui-même avec célérité dans les provinces qui, courbées sous un joug trop dur, soupiraient après un nouveau régime, on le vit s’amuser puérilement à négocier tantôt avec une ville, tantôt avec une autre, et à s’assurer la coopération de gens habiles à déterrer des trésors. Il avait besoin d’argent sans doute pour la guerre terrible à laquelle il devait s’attendre ; mais il s’émoussa dans ces temporisations comme un glaive qui se rouille.

(15) C’est ainsi que Pescenninus Niger, appelé par les vieux du peuple romain comme dernière espérance, perdit un temps précieux en Syrie, et se laissa prévenir par Sévère. Vaincu à Issus comme Darius l’avait été jadis, il n’eut plus de ressource que dans la fuite, et périt, de la main d’un simple soldat, dans un faubourg d’Antioche.

Chapitre IX

(1) Ces événements s’étaient passés au cœur de l’hiver, sous le consulat de Valentinien et de Valens. La magistrature suprême échut ensuite à Gratien, encore simple particulier à cette époque, et à Dagalaif. Au retour du printemps, Valens, avec Lupicin pour lieutenant, se rendit, à la tête de forces imposantes, à Pessinonte, ville phrygienne autrefois, galate aujourd’hui ;

(2) et, après y avoir mis garnison suffisante pour maintenir l’ordre dans ces quartiers, se dirigea rapidement vers la Lycie, dans le dessein d’attaquer Gomoarius, qui s’y tenait dans l’inaction.

(3) Ce projet trouvait autour de lui beaucoup de contradicteurs, qui, pour l’en détourner, appuyaient avec force sur la présence dans les rangs ennemis de la jeune fille de Constance et de sa mère Faustine. Procope leur faisait parcourir en litière le front de sa troupe, afin d’enflammer le courage des soldats par la vue d’un rejeton de leurs anciens maîtres, dont il ne manquait pas de rappeler que le sang coulait aussi dans ses veines. Le même moyen autrefois avait été mis en pratique par les Macédoniens, qui, dans une guerre contre leurs voisins d’Illyrie, firent placer derrière leurs lignes le berceau de leur jeune roi, afin de puiser une nouvelle ardeur pour vaincre dans la crainte de voir tomber l’enfant royal aux mains de l’ennemi.

(4) Mais l’empereur, en revanche, sut se concilier un adhérent capable de faire pencher la balance en sa faveur. Arbition, depuis son consulat, vivait dans la retraite, éloigné des affaires. Valens l’invita à venir à sa cour, certain que la vue seule de ce vétéran de Constantin ramènerait plus d’un rebelle au devoir. L’événement justifia sa prévision.

(5) De nombreuses conversions s’opérèrent quand on entendit ce doyen de l’armée, le premier des généraux en dignité comme en âge, vénérable par ses cheveux blancs, traiter de brigand Procope, et, s’adressant aux soldats qui avaient failli, les appeler ses enfants, les compagnons de ses vieux services, et les supplier de se confier à lui comme à leur père, plutôt que d’obéir à un misérable justement décrié, dont le châtiment ne pouvait tarder longtemps encore.

(6) L’impression qu’il produisit s’étendit jusqu’à Gomoarius, qui, maître d’éluder l’attaque et de se retirer sans perte, aima mieux se rendre volontairement au camp de Valens, et, grâce à la proximité, se supposer surpris par une force supérieure.