Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/271

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la hâte. On sait que cette ville, célèbre par ses vieux monuments, possède une enceinte de murailles inexpugnable. Procope néanmoins avait réuni des forces considérables pour l’assiéger, afin de se rendre maître de l’Hellespont aussi bien que de la Bithynie.

(8) Mais une grêle de flèches, de balles de fronde, et autres projectiles, écrasaient les assaillants du haut des murs, et paralysaient leurs efforts. De plus, les habitants, pour fermer leur port aux galères ennemies, avaient eu l’idée de tendre en travers de l’entrée une forte chaîne de fer, scellée par les deux bouts.

(9) Après une suite de combats acharnés, chefs et soldats de l’armée de siège commençaient à se lasser, lorsqu’un tribun nommé Aliso, habile autant que résolu, s’y prit pour surmonter cet obstacle de la façon que je vais décrire. Trois vaisseaux furent amarrés ensemble, et sur leurs trois ponts de plain-pied se placèrent des soldats, les uns debout, ceux-ci inclinés, d’autres accroupis sur leurs jarrets, et tous élevant au-dessus de la tête leurs boucliers étagés, de manière à composer par leur adhérence l’espèce de tortue qui figure une voûte. Ce genre d’abri s’emploie avantageusement pour l’assaut, parce que les projectiles glissent dessus comme la pluie sur un toit en pente.

(10) Ainsi protégé jusqu’à un certain point contre les traits, Aliso, qui était d’une vigueur de corps extraordinaire, parvint, en faisant supporter la chaîne par une forte pièce de bois, à la rompre à coups de hache, et ouvrit ainsi un libre passage vers la ville, désormais sans défense. L’héroïsme de cet exploit valut à son intrépide auteur, même après la mort du chef de la révolte, et au milieu des rigueurs exercées contre ses complices, la vie sauve et le maintien de son grade. Il vécut longtemps encore, et trouva la mort dans une rencontre avec une bande de pillards isauriens.

(11) Procope, à qui ce fait d’armes assurait la possession de la ville, s’empressa d’y faire son entrée, et prononça une amnistie pour tous ceux qui avaient pris part à la résistance, Sérénien seul excepté, qu’il fit charger de chaînes et garder étroitement à Nicée.

(12) Il conféra ensuite au jeune Hormisdas, fils du royal proscrit Hormisdas, la dignité de proconsul, avec les anciennes attributions civiles et militaires de cette charge. Hormisdas y montra la douceur qui faisait le fond de son caractère. Traqué dans la suite, au milieu des défilés de la Phrygie, par des soldats que Valens avait envoyés pour le saisir, il prit si bien ses mesures, qu’un vaisseau, qu’il tenait prêt à tout événement, put l’enlever au milieu d’une grêle de flèches, lui et sa femme, qui suivait ses pas, et qu’il lui fallut presque arracher des mains de leurs communs persécuteurs. Cette dame, d’une famille noble et opulente, par sa conduite prudente et ferme sauva plus tard son mari du plus imminent péril.

(13) Procope se crut par cette victoire élevé au-dessus de l’humanité, oubliant que tel est heureux le matin que, d’un seul tour de roue, la Fortune rend le soir le plus infortuné des hommes. La maison d’Arbition, qu’une ancienne conformité de sentiments lui avait fait jusque-là respecter comme la sienne, fut un jour spoliée, par ses ordres, de toutes les valeurs inestimables qu’elle contenait ; et cela faute par le propriétaire, qui s’était excusé sur les infirmités de sa vieillesse, de