Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/280

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ce propos : "Pour vendre mon vin au prix qu’on en offre, j’aime mieux le garder pour éteindre de la chaux."

(5) La place de Symmaque fut ensuite remplie par Lampade, ex-préfet du prétoire, qui se fâchait sérieusement si l’on n’admirait en lui jusqu’à sa manière de cracher, prétendant mettre dans cet acte une convenance qui n’appartenait qu’à lui ; homme intègre d’ailleurs, et administrateur habile.

(6) Ce fut lui qui, donnant avec éclat les jeux de son investiture comme préteur, et se trouvant excédé du brouhaha de la populace, qui réclamait en faveur de tel ou tel favori des largesses souvent assez peu méritées, fit venir quelques- uns de ces pauvres qui se tiennent aux portes du Vatican, et leur distribua de sa main de grosses sommes, afin de constater à la fois sa propre libéralité et son mépris des jugements populaires.

(7) De sa vanité, qui était notoire, je ne veux citer qu’un trait assez innocent, comme avis aux édiles futurs. Partout où la magnificence de nos princes a doté la ville d’un édifice, il y inscrivait son nom comme fondateur du monument, et non pas simplement comme restaurateur. On a dit Trajan atteint de la même manie, ce qui aurait valu à cet empereur le sobriquet de pariétaire.

(8) La préfecture de Lampade fut troublée par des émeutes fréquentes. Une fois (ce fut la plus sérieuse), la populace armée de torches et de brandons en jeta plusieurs sur sa maison, située près des thermes de Constantin, et l’aurait réduite en cendres sans la prompte intervention de ses domestiques, qui, aidés des voisins, dispersèrent du haut des toits les incendiaires à coups de tuiles.

(9) Quant à lui, effrayé de l’extension que la sédition avait prise, il s’était dès le commencement retiré sur le pont Milvius (bâti, dit-on, par l’ancien Scaurus), d’où il avisait aux moyens de mettre fin au tumulte. La cause en était des plus graves.

(10) Lampade voulait construire de nouveaux édifices, ou en réparer d’anciens ; et au lieu d’en imputer la dépense, comme l’on fait en pareil cas, sur le produit des impôts, quand il avait besoin de fer, de plomb, de cuivre, etc., il envoyait de ses agents, sous couleur d’achat, s’emparer de ces matériaux, dont le prix n’était jamais payé. Ces exactions répétées à l’infini avaient fini par soulever les pauvres gens qui s’en trouvaient victimes, et l’on eût fait au préfet un mauvais parti s’il ne se fût promptement dérobé.

(11) Vivence, son successeur, ancien intendant du palais et Pannonien de naissance, avait autant d’intégrité que de mesure. Son administration douce et circonspecte fit régner l’abondance. Elle fut toutefois ensanglantée par une terrible discorde, dont voici l’origine.

(12) Damase et Ursin se disputaient le siège épiscopal avec une ambition désordonnée ; et le fanatisme de leurs sectaires, non moins exalté que celui des factions politiques, alla plus d’une fois jusqu à l’appel à la violence et jusqu’à l’effusion du sang. Les adoucir n’étant pas plus possible au préfet que les réprimer, il se vit, par leurs fureurs, relégué dans un faubourg.

(13) Damase finit par l’emporter de haute lutte ; et c’est un fait constant que cent trente-sept cadavres furent trouvés le lendemain dans la basilique de Sicinins, où les chrétiens tiennent leurs assemblées. Ce ne fut qu’avec peine, et longtemps après, qu’on parvint à calmer cette terrible effervescence.

(14) Véritablement, quand je considère l’éclat de