Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/287

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décliner la juridiction d’un ennemi puissant et demander un autre juge, il ne manquait pas, quels que fussent les motifs de récusation, de renvoyer le plaignant devant le magistrat même dont la partialité lui était justement suspecte. Mais voici qui serait horrible. Qu’un débiteur de l’État devînt insolvable : Il faut le tuer, disait-il.

(9) Voilà où l’orgueil mène les souverains qui refusent le droit d’observation à leurs amis, et dont les ennemis, glacés par la peur, n’osent ouvrir la bouche. Il n’est pas d’énormité dont on ne devienne capable quand on regarde son caprice comme le droit de tout faire.

Chapitre VIII

(1) Valentinien se rendait à la hâte d’Amiens à Trèves, quand il reçut d’affligeantes nouvelles de Bretagne. Les barbares s’étaient combinés pour affamer le pays, qui était réduit aux abois. Ils avaient tué le comte Nectaride, qui commandait sur les côtes, et fait tomber le duc Fullofaud dans une embuscade.

(2) Valentinien, très alarmé, chargea d’abord Sévère, comte des domestiques, d’aller remédier autant que possible au mal ; puis il le rappela, et le remplaça par Jovin, qui, à peine arrivé, lui dépêcha Provertuide pour demander qu’on lui envoyât une armée, la situation des affaires n’exigeant pas un moindre développement de forces.

(3) De plus en plus inquiet sur la possession de cette île, l’empereur choisit en dernier lieu pour y commander Théodose, déjà connu par les plus brillants succès, en lui confiant l’élite des légions et des cohortes. Cette expédition paraissait donc s’ouvrir sous les meilleurs auspices.

(4) J’ai déjà, dans le règne de Constance, expliqué de mon mieux le phénomène du flux et du reflux, et donné la description géographique de la Bretagne : je crois donc superflu, d’y revenir. Comme Ulysse chez les Phéaciens,je crains l’ennui des redites.

(5) Mais il est essentiel de noter que les Pictes formaient à cette époque deux corps de peuple, les Dicalydons et les Verturions, qui, de concert avec les belliqueuses peuplades des Attacottes et des Scots, portaient de tous côtés leurs ravages. Dans les parties de l’île plus voisines de la Gaule, les Francs et les Saxons, leurs voisins, opéraient des descentes sur les côtes et faisaient des courses dans l’intérieur, pillant, incendiant, égorgeant tout ce qui leur tombait sous la main.

(6) Telles étaient les calamités qui appelaient aux extrémités du monde cet habile capitaine pour essayer, la fortune aidant, d’y porter remède. Théodose se rendit sur la plage de Bononie, qui n’est séparée du bord opposé que par un étroit bras de mer, dont les marées par leurs alternatives tantôt troublent la surface, et tantôt la laissent unie comme une plaine, et sans aucun danger pour le navigateur. Il s’y embarqua, et prit terre à Rutopie, excellent mouillage à l’autre bord.

(7) De là, suivi des Bataves, des Hérules, des Joviens et des Victorins, troupes habituées à vaincre, il gagne l’ancienne cité de Londres, appelée depuis Augusta. Arrivé sur ce point, il divise sa troupe en plusieurs corps, et, tombant sur les partis ennemis chargés de butin, les défait, et leur enlève les hommes et le bétail qu’ils avaient pris.

(8) Restitution en fut faite aux malheureux dépouillés, sauf un léger