Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

contre une infinité d’autres prévenus, sans acception d’innocents ou de coupables.

(46) Il se faisait un point d’honneur sanglant d’aller plus loin encore que son chef de file Maximin dans la destruction des familles patriciennes. Émule, en un mot, des Busiris et des Antée, c’était, au taureau près, un Phalaris d’Agrigente.

(47) La répétition de pareilles scènes répandait un tel effroi, qu’une dame noble nommée Hésychia, pour se dérober aux suites d’une accusation, s’étouffa, en comprimant sa respiration sur un lit de plumes, dans la maison d’un appariteur où elle était provisoirement détenue.

(48) Le fait qui suit n’est pas moins révoltant. Du temps où Maximin exerçait encore la préfecture, l’opinion désignait déjà deux hommes du rang le plus distingué, Eumène et Abiénus, comme ayant entretenu un commerce illicite avec Fausiana, femme d’une condition élevée. Tous deux cependant, protégés par Victorin, vivaient dans une sécurité complète. Mais, Victorin mort, ils commencèrent à trembler en voyant arriver Simplicius, qui s’annonçait hautement comme continuateur de son devancier.

(49) Ils cherchèrent d’abord une retraite, puis une autre plus cachée, en apprenant qu’on avait condamné Fausiana, et que des mandats d’amener étaient aussi décernés contre eux. Abiénus trouva quelque temps un asile chez Anepsia. Mais, par un de ces incidents qui viennent empirer les positions les plus fâcheuses, un esclave d’Anepsia, nommé Sapaudulus, irrité d’une correction corporelle infligée à sa femme, s’en vint, une nuit, tout révéler à Simplicius. Des appariteurs vont aussitôt arracher ces infortunés de leurs retraites,

(50) et Abiénus, sous l’imputation aggravante d’un nouvel adultère avec Anepsia, est envoyé à la mort. Celle-ci, qui espérait sauver sa vie en faisant ajourner son supplice, déclara que c’était par l’emploi de sortilèges, et dans la maison d’Aginace, que son déshonneur avait été consommé.

(51) Aussitôt rapport fulminant fait par Simplicius à l’empereur. Près de lui se trouvait Maximin, et l’élévation de son rang n’avait fait qu’aigrir sa haine contre le malheureux Aginace. Le tout puissant favori n’eut pas de peine à obtenir du prince une réponse, qui était ordre de mort.

(52) Mais comme Simplicius avait été conseiller de Maximin et son intime, la crainte que l’opinion ne fît remonter jusqu’au patron la responsabilité d’une condamnation prononcée par son protégé contre une tête patricienne, empêcha quelque temps Maximin de se dessaisir du rescrit impérial : il ne voulait en confier l’exécution qu’à des mains sûres, et que rien n’arrêtât.

(53) Un pervers manque rarement à trouver qui lui ressemble. Il se rencontra un certain Doryphorien, Gaulois de nation, hardi jusqu’à la démence, qui prit tout sur lui par commission spéciale. Maximin confie le rescrit à cet intermédiaire, non moins ignorant que cruel, lui donnant pour instruction d’aller droit au fait nonobstant toute opposition dilatoire, attendu qu’Aginace était homme, s’il lui laissait le temps d’aviser, à lui glisser entre les mains.

(54) Doryphorien gagne Rome en toute hâte, pour mettre à exécution son mandat ; et le voilà qui s’évertue à imaginer comment ôter la vie à un sénateur éminent, sans recourir à l’autorité locale. Aginace avait été arrêté dans sa maison de campagne, et y était resté gardé à vue. Doryphorien