Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/300

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deux fourbes consommés,

(37) qui, tout en faisant grand bruit de l’injustice et de la dureté de leur maître, disaient et répétaient partout que les accusés ne pouvaient sauver leur tête qu’en compromettant beaucoup de grands noms. Multiplier les délations, disaient-ils, c’était pour les prévenus se créer des chances d’acquittement.

(38) Le régime de terreur continuait ; on ne comptait plus les arrestations. Tout ce qui était noble montrait dans son extérieur abattu son anxiété profonde, ou s’inclinait jusqu’à terre devant l’oppresseur. Et véritablement il serait dur de taxer en cela de bassesse des gens qui sans cesse entendaient un brigand, au cœur de tigre, crier à leurs oreilles qu’il n’y avait d’innocents qu’autant qu’il le voulait bien.

(39) Des Numas, des Catons auraient tremblé. Quel temps que celui où nul n’avait l’œil sec, n’eût-il pas à pleurer pour son propre compte !

(40) Cette âme atroce avait cependant son bon côté. Il lui arrivait parfois de se laisser toucher par les prières. D’après Cicéron, ce penchant même à s’attendrir serait encore un sujet de blâme. Il a dit quelque part : "Colère implacable est dureté ; colère qui se laisse fléchir, inconséquence ; mais il vaut mieux être inconséquent qu’impitoyable."

(41) Un successeur était arrivé à Maximin. Il était appelé à la cour, où déjà Léon l’avait devancé, et où l’attendait la nomination de préfet du prétoire. Ses victimes n’y gagnaient rien : il tuait comme le basilic, à distance.

(42) Vers cette époque, ou peu de temps avant, on vit fleurir les balais qui servent à nettoyer la salle des séances du sénat ; ce qui présageait l’arrivée aux honneurs de gens de la plus basse extraction.

(43) Il serait bien temps sans doute d’en finir avec cette digression. Mais je crois devoir m’y arrêter un moment encore, afin de compléter cette série d’iniquités par le récit des actes du même genre qui même après le départ de Maximin, et sous son influence, ont signalé la gestion des lieutenants, ses délégués et les exécuteurs de ses ordres.

(44) Ursicin, son successeur immédiat, inclinait à la douceur. Scrupuleux observateur des formes légales, il avait voulu en référer à l’empereur touchant l’affaire d’Esaias et de plusieurs autres, accusés d’adultère sur la personne de Rufina, et qui, de leur côté, intentaient contre Marcellus, ex-intendant, mari de cette dernière, une accusation de lèse-majesté. La circonspection d’Ursicin fut traitée de pusillanime ; il fut privé de sa charge, comme manquant de nerf pour l’exercer.

(45) On mit à sa place Simplicius d’Emona, de professeur de grammaire devenu conseiller de Maximin. L’élévation de ce dernier ne changea rien à ses manières. Il n’était ni fier ni insolent, mais son regard oblique avait une expression effroyable, et la modération qu’il affectait dans son langage cachait les plus homicides intentions. Il débuta par faire mourir au préalable Rufina et tous ceux qu’atteignait avec elle l’accusation d’adultère au premier chef, ou comme complices, et touchant la culpabilité desquels Ursicin s’était abstenu. On le vit ensuite procéder non moins sommairement