Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/312

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pendant trois jours mis au pillage. Les Austoriani égorgèrent les paysans restés sur place par l’effet de la terreur ou réfugiés dans des cavernes, brûlèrent ce qu’ils ne purent emporter, et s’en retournèrent chargés de butin, emmenant prisonnier Silva, l’un des premiers magistrats de la ville, qu’ils avaient surpris dans sa campagne avec sa famille.

(5) Les Leptitains, sous l’impression de ce désastre, se dépêchèrent, avant que l’orgueil du succès poussât les barbares à de nouvelles hostilités, de demander du secours au comte Romain, qui venait d’être nommé au gouvernement de l’Afrique. Celui-ci vint en effet, amenant avec lui des troupes. Mais quand il s’agit de se porter sur les points ravagés, il refusa d’entrer en campagne que l’on n’eût au préalable mis à sa disposition d’immenses approvisionnements en vivres et quatre mille chameaux.

(6) Les infortunés Leptitains restèrent d’abord stupéfaits, puis protestèrent de leur impuissance, ruinés comme ils l’étaient par le fer et la flamme, à remplir l’exorbitante condition imposée pour porter remède à tant de maux. Sur quoi le comte séjourna quarante jours chez eux dans une inaction prétendue forcée, puis s’en retourna purement et simplement.

(7) Voyant s’évanouir ainsi l’espoir qu’ils avaient conçu de ce côté, les Tripolitains appréhendèrent les derniers malheurs. C’était l’époque de la session de leur conseil provincial, qui s’assemble une fois l’an. On y désigna deux députés, Sévère et Flaccien, chargés d’offrir à Valentinien, comme don de joyeux avènement, des figurines de la Victoire en or, et d’exposer nettement devant lui les souffrances de la province.

(8) Le comte, informé de cette résolution, dépêche aussitôt un courrier à Rémige, maître des offices, son parent et le complice de ses rapines, lui mandant de faire en sorte que la connaissance de l’affaire fût attribuée à lui Romain, et au lieutenant du préfet dans la province.

(9) Les députés arrivent à la cour, obtiennent audience, et, à l’appui de leurs doléances de vive voix, remettent au prince un mémoire des faits. Comme le contenu de cette pièce était en désaccord avec les renseignements du maître des offices, qui s’entendait avec Romain, les déclarations contradictoires furent jugées suspectes. On remit donc à plus ample informé la décision de l’affaire, qui dut passer par toutes les phases d’atermoiement et fins de non-recevoir dont les intermédiaires du pouvoir ont coutume d’endormir sa justice.

(10) Les Tripolitains cependant attendaient avec anxiété que le gouvernement vînt à leur secours. Au milieu de cette angoisse prolongée, voilà de nouvelles bandes qui leur tombent sur les bras. Les campagnes de Leptis et d’Oéa sont ravagées dans tous les sens, et les barbares ne se retirent que chargés de butin, après avoir tué plusieurs décurions, Rusticien et Nicaise entre autres, investis, l’un des attributions du culte, l’autre de celles de l’édilité.

(11) L’invasion ne rencontra pas même d’obstacle ; car les pouvoirs militaires, que les instances des députés avaient d’abord fait confier au président Rurice, venaient d’être dévolus à Romain.

(12) Toutefois une relation de ce nouveau désastre parvint au prince dans les Gaules, et lui causa une vive émotion. Il envoya aussitôt Pallade, tribun et notaire, avec la double mission d’acquitter la solde due aux cantonnements d’Afrique, et de porter une équitable investigation sur ce qui s’était passé dans la province de Tripolitaine.