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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/346

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juges ; il s’agit sérieusement cette fois de sauver une fortune, une tête ; de détourner de l’innocence ou du bon droit le glaive ou la ruine. On commence par rider son front, par chercher des poses théâtrales. Il n’y manque que le joueur de flûte de Gracchus, placé sur le second plan ; et tout cela seulement pour se recueillir. Après ce prélude obligé, le plus sûr de lui prend la parole, et débite un exorde spécieux qui promet un rival aux célèbres plaidoyers pour Cluentius et pour la Couronne ; mais, après avoir excité chez les auditeurs une palpitante expectative, notre homme tourne court par cette conclusion, que trois ans n’ont pas suffi aux défenseurs pour une étude complète de la cause : nécessité par conséquent d’un nouvel et aussi long délai. Et après cette lutte d’Antée, c’est à qui sollicitera le prix d’un si pénible labeur.

(20) Le métier, après tout, a mille inconvénients pour qui voudrait l’exercer en honnête homme. D’abord le partage des gains entre avocats est une source de discordes les plus violentes. Cette intempérance de langue qui se déchaîne, surtout quand les raisons leur manquent, leur suscite des inimitiés en foule.

(21) Ils ont affaire à des juges qui ont plus souvent pris leurs degrés à l’école de Philistion ou d’Ésope, qu’à celle de Caton et d’Aristide ; qui ont acheté cher leurs charges, et cherchent à s’indemniser sur les fortunes particulières, qu’ils discutent en créanciers avides.

(22) Enfin, et ce n’est pas le moindre désagrément de la profession, les plaideurs en général ont la manie de croire que des avocats dépendent toutes les chances de leur procès ; et ils les rendent responsables de l’issue, sans faire la part ni de la faiblesse de leur propre droit, ni de l’erreur ou de l’iniquité des juges. En voilà bien assez sur ce sujet.

Chapitre V

(1) Valentinien, parti de Trèves aux premiers jours du printemps, voyagea rapidement par la route la plus connue. Il touchait déjà la frontière ennemie, lorsqu’une députation des Sarmates vint se jeter à ses pieds, le suppliant, dans les termes les plus humbles, d’épargner leurs compatriotes, qui, de fait ni d’intention, n’avaient pris aucune part à la révolte.

(2) À leurs instances réitérées Valentinien, après avoir réfléchi, se contenta de répondre qu’il aviserait sur les lieux, et en pleine connaissance de cause, à se faire rendre telle satisfaction qu’il appartiendrait. Il se rendit ensuite à Carnuntum, ville d’Illyrie, aujourd’hui misérable et déserte, mais qui, par sa proximité du territoire barbare, lui offrait un point des mieux choisis pour prendre à son gré l’offensive, ou profiter des chances que le hasard lui offrirait.

(3) La sévérité connue du prince tenait tout le monde en émoi. On s’attendait à le voir exiger un compte terrible des autorités dont la trahison ou l’incurie avait laissé la Pannonie sans défense il n’en fut rien. Il s’était radouci à ce point, qu’aucune recherche même n’eut lieu sur le meurtre du roi Gabinius, ni touchant la participation active ou passive d’aucun individu aux maux dont l’État venait de souffrir. Dans le fait, il n’était dur habituellement qu’avec les simples soldats,