Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/358

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fois qu’ils y ont passé la tête, que lorsqu’il tombe par lambeaux.

(6) Ils se coiffent de chapeaux à bords rabattus, et entourent de peaux de chèvres leurs jambes velues ; chaussure qui gêne la marche, et les rend peu propres à combattre à pied. Mais on les dirait cloués sur leurs chevaux, qui sont laidement mais vigoureusement conformés. C’est sur leur dos que les Huns vaquent à toute espèce de soin, assis quelquefois à la manière des femmes. À cheval jour et nuit, c’est de là qu’ils vendent et qu’ils achètent. Ils ne mettent pied à terre ni pour boire, ni pour manger, ni pour dormir, ce qu’ils font inclinés sur le maigre cou de leur monture, où ils rêvent tout à leur aise.

(7) C’est encore à cheval qu’ils délibèrent des intérêts de la communauté. L’autorité d’un roi leur est inconnue ; mais ils suivent tumultuairement le chef qui les mène au combat.

(8) Attaqués eux- mêmes, ils se partagent par bandes, et fondent sur l’ennemi en poussant des cris effroyables. Groupés ou dispersés, ils chargent ou fuient avec la promptitude de l’éclair, et sèment en courant le trépas. Aussi leur tactique, par sa mobilité même, est impuissante contre un rempart ou un camp retranché.

(9) Mais ce qui fait d’eux les plus redoutables guerriers de la terre, c’est qu’également sûrs de leurs coups de loin, et prodigues de leur vie dans le corps à corps, ils savent de plus, au moment où leur adversaire, cavalier ou piéton, suit des yeux les évolutions de leur épée, l’enlacer dans une courroie, qui paralyse tous ses mouvements. Leurs traits sont armés, en guise de fer, d’un os pointu, qu’ils y adaptent avec une adresse merveilleuse.

(10) Aucun d’eux ne laboure la terre, ni ne touche une charrue. Tous errent indéfiniment dans l’espace, sans toit, sans foyers, sans police, étrangers à toute habitude fixe, ou plutôt paraissant toujours fuir, à l’aide de chariots où ils ont pris domicile, où la femme s’occupe à façonner le hideux vêtement de son mari, le reçoit dans ses bras, enfante, et nourrit sa progéniture jusqu’à l’âge de puberté. Nul d’entre eux, conçu, mis au monde, et élevé en autant de lieux différents, ne peut répondre à la question : "D’où êtes-vous ? ".

(11) Inconstants et perfides dans les conventions, les Huns tournent à la moindre lueur d’avantage ; en général, ils font toute chose par emportement, et n’ont pas plus que les brutes le sentiment de ce qui est honnête ou déshonnête. Leur langage même est captieux et énigmatique. Ils n’adorent rien, ne croient à rien, et n’ont de culte que pour l’or. Leur humeur est changeante et irritable au point qu’une association entre eux, dans le cours d’une même journée, va se rompre sans provocation, et se renouer sans médiateur.

(12) À force de tuer et de piller de proche en proche, cette race indomptée par le seul instinct du brigandage fut amenée sur les frontières des Alains, qui sont les anciens Massagètes. Puisque l’occasion s’en présente, il est bon de dire aussi quelques mots sur l’origine de ce peuple et sa situation géographique.

(13) L’Hister, grossi de nombreux affluents, traverse tout le pays des Sarmates, qui s’étend jusqu’au Tanaïs, limite naturelle de l’Europe et de l’Asie. Au-delà de ce dernier fleuve, au milieu