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Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/359

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des solitudes sans terme de la Scythie, habitent les Alains, qui doivent leur nom à leurs montagnes, et l’ont, comme les Perses, imposé par la victoire à leurs voisins.

(14) De ce nombre sont les Nervi, peuplade enfoncée dans les terres, bornée par de hautes montagnes incessamment battues par l’Aquilon, et que le froid rend inaccessibles ; plus loin, les Vidini et les Gélons, race féroce et belliqueuse, qui arrache la peau à ses ennemis vaincus, pour s’en faire des vêtements ou des housses de cheval ; les Agathyrses, voisins des Gélons, qui se chamarrent le corps de couleur bleue, et en teignent jusqu’à leur chevelure, marquant le degré de distinction des individus par le nombre et les nuances plus ou moins foncées de ces taches.

(15) Viennent ensuite les Mélanchlènes et les Anthropophages, nourris, dit-on, de chair humaine ; détestable coutume qui éloigne tous voisins, et forme le désert autour d’eux. C’est pour cette cause que ces vastes régions, qui s’étendent au nord-est jusqu’au pays des Sères, ne sont que de vastes solitudes.

(16) Il y a aussi les Alains orientaux, voisins du territoire des Amazones, dont les innombrables et populeuses tribus pénètrent, m’a- t-on dit, jusqu’à cette contrée centrale de l’Asie où coule le Gange, fleuve qui sépare en deux les Indes, et court s’absorber dans l’océan Austral.

(17) Distribués sur deux continents, tous ces peuples, dont je m’abstiens d’énumérer les dénominations diverses, bien que séparés par d’immenses espaces où s’écoule leur existence vagabonde, ont fini par se confondre sous le nom générique d’Alains.

(18) Ils n’ont point de maisons, point d’agriculture, ne se nourrissent que de viande et surtout de lait, et, à l’aide de chariots couverts en écorce, changent de place incessamment au travers de plaines sans fin. Arrivent-ils en un lieu propre à la pâture, ils rangent leurs chariots en cercle, et prennent leur sauvage repas. Ils rechargent, aussitôt le pâturage épuisé, et remettent en mouvement ces cités roulantes, où les couples s’unissent, où les enfants naissent et sont élevés, où s’accomplissent, en un mot, pour ces peuples tous les actes de la vie. Ils sont chez eux, en quelque lieu que le sort les pousse,

(19) chassant toujours devant eux des troupeaux de gros et de menu bétail, mais prenant un soin particulier de la race du cheval. Dans ces contrées l’herbe se renouvelle sans cesse, et les campagnes sont couvertes d’arbres à fruit ; aussi cette population nomade trouve-t- elle à chaque halte la subsistance de l’homme et des bêtes. C’est l’effet de l’humidité du sol, et du grand nombre de cours d’eau qui l’arrosent.

(20) Les infirmes d’âge ou de sexe s’occupent, au dedans et autour des chariots, des soins qui n’exigent pas de force corporelle. Mais les hommes faits, rompus dès l’enfance à l’équitation, regardent comme un déshonneur de se servir de leurs pieds. La guerre n’a pas de condition dont ils n’aient fait un rigoureux apprentissage ; aussi sont-ils excellents soldats. Si les Perses sont guerriers par essence, c’est que le sang scythe originairement a coulé dans leurs veines.

(21) Les Alains sont généralement beaux et de belle taille, et leurs cheveux tirent sur le blond. Leur regard est plutôt martial que féroce. Pour la rapidité de l’attaque et l’humeur belliqueuse, ils ne cèdent en rien aux Huns. Mais ils sont plus