Aller au contenu

Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’intention de s’en servir plus tard pour quelque noir projet. En effet, tandis que Silvain, tout entier à ses devoirs, parcourt les Gaules, chassant devant lui les barbares, qui déjà, perdant toute confiance, ne tenaient nulle part contre ses armes, ce Dynamius, donnant carrière à son esprit d’intrigue, élaborait, avec l’art d’un fourbe consommé, la falsification la plus indigne. Des bruits, sans certitude il est vrai, ont signalé, comme fauteurs et complices de cette machination, Lampade, préfet du prétoire, Eusèbe, surnommé Mattiocopas, ex-intendant du domaine privé, et Édèse, ex-secrétaire des commandements du prince ; ces deux derniers intimes amis du préfet, et, à ce titre, invités par lui à la cérémonie d’investiture de son consulat.

A l’aide d’un pinceau qu’il promena successivement sur l’écriture des lettres de Silvain, Dynamius en fit disparaître une partie, ne laissant d’intact que la signature, et y substitua une rédaction toute différente. Ce n’était rien moins qu’une circulaire adressée par Silvain à ses amis politiques et particuliers, notamment à Tuscus Albinus, où ceux-ci étaient invités en termes ambigus à seconder le signataire dans le dessein d’usurper le trône. Ce tissu de mensonges, habilement ourdi pour perdre un innocent, fut par Dynamius confié au préfet pour qu’il le fit passer sous les yeux du prince. Lampade, ainsi devenu la cheville ouvrière de cette menée ténébreuse, guette le moment d’un tête-à-tête avec Constance, et se présente dans son cabinet, certain de tenir dans ses filets l’un des plus vigilants défenseurs du trône. Lecture est faite des fausses lettres dans le conseil, qui prend des mesures pour s’assurer des personnes dénommées. Les tribuns sont arrêtés sur-le-champ, et l’ordre est envoyé dans les provinces de transférer a Milan les personnes privées.

L’absurdité palpable de l’accusation révolta Malarie, chef des gentils, qui dans une réunion de ses collègues, par lui provoquée, dit hautement qu’il était indigne de laisser circonvenir ainsi par les intrigues de factieux les hommes les plus dévoués au gouvernement de l’empereur. Il déclara Silvain tout à fait incapable de la trahison qui lui était imputée, et qui n’était que l’œuvre d’une cabale détestable. Il se faisait fort, disait-il, d’aller le trouver lui-même et de le ramener à Milan ; il proposait même sa propre famille pour otage, et, de plus, la caution de Mellobaudes, tribun de l’armature, pour garantie de son retour ; ou bien offrait comme alternative que Mellobaudes ferait le voyage, et se chargerait d’accomplir la mission. Silvain était prompt à s’effaroucher, même sans motif ; et lui députer tout autre qu’un compatriote, c’était risquer de faire un rebelle d’un homme jusque-là fidèle et dévoué.

Le conseil était bon, il n’y avait qu’à le suivre ; mais Malarie jetait ses paroles au vent. L’avis d’Arbétion prévalut ; et ce fut Apodème, l’ennemi juré de quiconque était honnête homme, qui fut dépêché à Silvain porteur d’une lettre de rappel. Apodème avait d’autres soins en tête que sa mission. Aussitôt arrivé en Gaule, il met ses instructions de côté ; et, sans voir Silvain, sans lui transmettre aucune invitation de retour ni lui communiquer la lettre, il mande l’agent du fisc ; et, déjà procédant envers le général comme envers un proscrit dont la tête serait dévolue au bourreau, le voilà qui prend contre ses clients et serviteurs les mesures les plus vexatoires,