Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/49

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ble intérêt de l’État ; et elle insistait sur le choix d’un parent, de préférence à tout autre. Après nombre de délibérations sans résultat, l’empereur prit son parti, et, coupant court à tout débat, signifia sa résolution d’admettre Julien au partage de l’empire. Au jour marqué, devant toutes les troupes présentes à Milan, Auguste, tenant Julien par la main, monta sur un tribunal élevé à dessein fort au-dessus du sol, et décoré sur toutes ses faces d’aigles et d’étendards ; puis, d’un visage serein, il prononça ce discours :

« Généreux défenseurs de l’empire, je viens plaider auprès de vous une cause qui nous est commune à tous : il s’agit du salut de la patrie. A des juges ainsi disposés je n’aurai que peu de mots à dire. Plus d’une fois la rébellion a dirigé contre nous ses fureurs : les auteurs de ces tentatives insensées ne sont plus ; mais voilà qu’en offrande à leurs mânes impies les barbares font couler des flots de sang romain. Ils ont rompu tout traité, franchi toute limite, et foulent aux pieds les Gaules dévastées, comptant sur les impérieux devoirs qui nous retiennent et sur l’énorme distance qui les sépare de nous. Le mal est grand, mais une prompte décision peut y porter remède. Que vos volontés seulement concourent avec la mienne, et ces superbes nations seront humiliées ; et nul n’osera plus violer nos frontières. J’ai pris une résolution où se fondent les plus belles espérances ; c’est à vous d’en seconder l’effet. Voici Julien, fils du frère de mon père. Vous connaissez tous les droits que lui assure à mon affection sa conduite irréprochable. Déjà sa jeunesse a donné les gages les plus brillants ; je veux l’élever au rang de César ; et si le choix vous parait heureux, je vous demande de le ratifier. »

Un murmure de faveur l’interrompit à ces mots, chacun, par une sorte de divination, accueillant cette mesure comme une inspiration d’en haut plutôt que comme une pensée humaine. L’empereur attendit patiemment que le silence se rétablit, et, d’un ton désormais plus assuré :

« Je prends, dit-il, comme un assentiment le frémissement de joie que je viens d’entendre. Qu’il soit donc élevé à cet honneur insigne, le jeune homme en qui la force s’allie à la prudence ! En imitant ici la sage réserve qui est le fond de son caractère, j’aurai fait mieux que le louer. Par le choix que j’ai fait de lui j’ai d’ailleurs rendu suffisamment hommage aux qualités qu’il tient de l’éducation et de la nature. Les choses étant ainsi, avec la permission du ciel, je le revêts des insignes de prince. »

Il dit, couvre Julien de la pourpre de ses aïeux, et le proclame César aux acclamations de l’assemblée entière. Puis se tournant vers le nouveau prince, dont la physionomie semblait plus soucieuse que de coutume : « Frère bien-aimé, vous arrivez tout jeune encore à prendre part aux splendeurs de votre famille. Ma gloire, je le déclare, m’en paraît accrue ; et je me croirais moins grand par la possession du pouvoir sans partage, que par l’acte de justice qui élève à mon rang un homme qui me touche de si près. Allez donc, associé désormais à mes travaux, à mes périls, prendre. en main le gouvernement de la Gaule. Apportez à ses dou-