Page:Marcellin, Jornandès, Frontin, Végèce, Modestus - Traductions de Nisard, 1860.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

a passé sans de grands efforts sous le joug romain. Son indépendance menacée en premier lieu par Fulvius, puis ébranlée fortement dans une suite de petits combats soutenus contre Sextius, fut tout à fait abattue par Fabius Maximus ; avantage que ce dernier n’obtint cependant que par la réduction des Allobroges, nos plus opiniâtres adversaires dans cette lutte, et qui lui valut un surnom. Mais ce ne fut qu’après dix ans de campagnes, comme nous l’apprend Salluste, et diverses alternatives de succès et de revers, que l’universalité de la Gaule ; sauf les cantons rendus inaccessibles par des marais, fut enfin soumise à César, et annexée à l’empire par un lien désormais indissoluble. Mais cette digression nous éntratue trop loin du sujet ; hâtons-nous d’y rentrer.

XIII. L’Orient, depuis la mort tragique de Domitien, était gouverné par Musonien, qui lui avait succédé dans les fonctions de préfet du prétoire. Musonien s’était fait une réputation par son agréable facilité à s’exprimer dans les deux langues, mérite qui lui valut un avancement inespéré. Constantin désirait s’instruire à fond des subtilités du dogme chez les manichéens et autres sectaires, et ne savait à qui s’adresser pour les lui expliquer. Musonien lui fut recommandé, et fut agréé par lui sur rassurante qu’on lui donna de son aptitude. Celui-ci sut retirer de cette tâche à la satisfaction du prince, qui la lui témoigna, d’abord en lui faisant changer son nom de Stratégius en celui de Musonien, puis en l’élevant de degré en degré jusqu’à la préfecture. Esprit sage, affable et conciliant, il eût rendu son administration assez douce aux provinces, sans l’avidité dont il fit preuve en toute circonstance, et là particulièrement où ce vice est le plus odieux, dans l’exercice des fonctions de juge. Cette disposition sordide éclata surtout dans les poursuites auxquelles donna lieu la mort de Théophile, consulaire de Syrie, signalé par un mot de Gallus aux fureurs de la populace, qui le mit en pièces. Tout prévenu pauvre fut condamné, eût-il prouvé l’alibi jusqu’à l’évidence ; tout prévenu riche fut acquitté, même après culpabilité démontrée ; mais seulement au prix de sa spoliation complète. Musonien avait un émule en fait de rapacité dans la personne de Prosper, qui avait alors l’autorité militaire dans la Gaule, où il remplaçait par intérim le général de la cavalerie. C’était le dernier des misérables ; de ces gens, comme dit la comédie, qui narguent les précautions et volent au grand jour.

Tandis que ces deux hommes, par une coupable connivence, se prêtaient dans leurs déprédations un appui réciproque, les lieutenants du roi de Perse, dont les corps étaient cantonnés le long des fleuves frontières, tandis que leur maître était retenu à l’extrémité opposée de son empire, ne cessaient d’envoyer des partis inquiéter notre territoire. C’était tantôt l’Arménie et tantôt la Mésopotamie elle-même que leur audace, accrue par l’impunité, choisissait pour théàtre de leurs incursions ; et tout cela sous les yeux des gouverneurs romains, qui ne songeaient, de leur côté, qu’à s’approprier la fortune de leurs concitoyens.